Cœurs de pierre
I.
Le
printemps souffle fort dans ces cheveux légers,
Le temps
peut bien souffler, ils n'ont jamais bougé.
Cette
cascade d'or, aux ondes virginales,
Ne
frémit qu'aux rayons du soleil matinal.
Alors le
marbre luit sur ses épaules nues,
Le
baiser d'un amant enfin lui vient des nues,
Mais
aucun prétendant ne pourra l'éveiller,
Et la
vierge de pierre dort depuis des années.
Les yeux
fixant le ciel et la cime des arbres,
Admirant
chaque année le printemps qui se cabre,
Elle
sent dans les arbres cette sève monter,
Mais la
vierge de pierre meurt depuis des années.
II.
Le
printemps fait rougir ces visages ronds et pleins,
Et l'air
veut se remplir de rires enfantins.
La
nature, les oiseaux, tous ont perdu la tête,
Les
invités de Mai, toujours la même fête.
A ces
folles idées qui fleurissent en nous,
Nous
repensons toujours et rougissent nos joues,
Le temps
nous libertine et parfume le ciel,
Mais ces
enfants qui jouent dorment depuis des siècles.
Voyez
pourtant les fleurs qui poussent en leurs pensées,
Chaque
année refleurissent sans jamais fatiguer,
Les
fleurs de nos mémoires, toujours superficielles,
Car ces
enfants qui jouent sont morts depuis des siècles.
III.
La
lumière qui pleut entre nuages et fleurs,
Arrose
le matin de torrents de couleurs.
Sur les
tristes visages endeuillés par l'hiver,
Les
larmes du printemps s'écoulent à l'envers.
Pour qui
nait sans visage, et qui n'a pas de nom,
Le
printemps peut pleurer des couleurs en mousson.
Couvrant
son non-visage, voilée de noir velours,
La femme
née sans nom pleure depuis toujours .
Dormant
les yeux ouverts sous sa cape de pierre,
Des yeux
de vide lourd comme longues prières,
Encore
mille printemps, étranglée par l'amour,
La femme
née sans nom se meurt depuis toujours.
IV.
Alors
que la nature en volutes de vert,
S'enroule
sensuelle aux cous d'amants offerts,
Il reste solitaire, debout au pré fleuri,
De
s'être trop offert, il doit payer le prix.
Alors
que l'armature en volutes de fer,
S'élève
sentinelle, au nom des jours soufferts,
Il
fleurit solitaire dans son jardin reclus,
Rêvant
à ce qu'il n'a jamais vraiment vécu.
Les
oiseaux exilés retombent en poussière
Esprit
emprisonné sous des ailes de pierre,
Il
fleurit en hiver, très loin de notre vue,
Et se
souvient qu'il n'a jamais vraiment vécu.