dimanche 15 mai 2016

Cœurs de pierre

  Cœurs de pierre



I.
Le printemps souffle fort dans ces cheveux légers,
Le temps peut bien souffler, ils n'ont jamais bougé.
Cette cascade d'or, aux ondes virginales,
Ne frémit qu'aux rayons du soleil matinal.

Alors le marbre luit sur ses épaules nues,
Le baiser d'un amant enfin lui vient des nues,
Mais aucun prétendant ne pourra l'éveiller,
Et la vierge de pierre dort depuis des années.

Les yeux fixant le ciel et la cime des arbres,
Admirant chaque année le printemps qui se cabre,
Elle sent dans les arbres cette sève monter,
Mais la vierge de pierre meurt depuis des années. 
 

II.
Le printemps fait rougir ces visages ronds et pleins,
Et l'air veut se remplir de rires enfantins.
La nature, les oiseaux, tous ont perdu la tête,
Les invités de Mai, toujours la même fête.

A ces folles idées qui fleurissent en nous,
Nous repensons toujours et rougissent nos joues,
Le temps nous libertine et parfume le ciel,
Mais ces enfants qui jouent dorment depuis des siècles.

Voyez pourtant les fleurs qui poussent en leurs pensées,
Chaque année refleurissent sans jamais fatiguer,
Les fleurs de nos mémoires, toujours superficielles,
Car ces enfants qui jouent sont morts depuis des siècles.


III.
La lumière qui pleut entre nuages et fleurs,
Arrose le matin de torrents de couleurs.
Sur les tristes visages endeuillés par l'hiver,
Les larmes du printemps s'écoulent à l'envers.

Pour qui nait sans visage, et qui n'a pas de nom,
Le printemps peut pleurer des couleurs en mousson.
Couvrant son non-visage, voilée de noir velours,
La femme née sans nom pleure depuis toujours .

Dormant les yeux ouverts sous sa cape de pierre,
Des yeux de vide lourd comme longues prières,
Encore mille printemps, étranglée par l'amour,
La femme née sans nom se meurt depuis toujours.


IV.
Alors que la nature en volutes de vert,
S'enroule sensuelle aux cous d'amants offerts,
Il reste solitaire, debout au pré fleuri,
De s'être trop offert, il doit payer le prix.

Alors que l'armature en volutes de fer,
S'élève sentinelle, au nom des jours soufferts,
Il fleurit solitaire dans son jardin reclus,
Rêvant à ce qu'il n'a jamais vraiment vécu.

Les oiseaux exilés retombent en poussière
Esprit emprisonné sous des ailes de pierre,
Il fleurit en hiver, très loin de notre vue,
Et se souvient qu'il n'a jamais vraiment vécu. 


 

Aucun commentaire: