samedi 15 décembre 2018

Spectre d'encens

Spectre d'encens


Le bruit des pas faiblit sur les dalles de marbre,
La foule s'évapore dans des villes pieuses,
Ici reste le mort, et la tombe qu'on creuse,
Dans la terre assombrie par l'ombre bleue des arbres.

Le bruit des pas résonne, frappe le granit,
Les gens évanouis pleurent aux quatre vents,
Ici survit le mort, enfermé comme avant,
La terre affamée cicatrise trop vite.

Jeunes années, spectres dansants,
Faut-il toujours qu'on perde en sang,
Mourant avec, survivant sans
Restes d'amour, spectres d'encens.

Belle fumée, spectre d'encens,
Emplis ces cœurs vides de sang,
Embaume les amours absents,
Enivre moi, spectre dansant.


Drames insolubles se nouent infiniment,
En voilettes de deuil, fine dentelle noire,
Nos peines brodent flots de tulle sur peaux d'ivoire,
Horizon doléance, des miles indécents.

Ainsi cultivons nous ce qu'il faudra faucher,
Engraissant les amours qu'il faudra égorger,
Entretenant les roses demain guillotinées,
Pour farder de pourpre les tombes des fleurs passées.

Jeunes années, spectres dansants,
Faut-il toujours qu'on perde en sang,
Mourant avec, survivant sans
Restes d'amour, spectres d'encens.

Belle fumée, spectre d'encens,
Emplis ces cœurs vides de sang,
Embaume les amours absents,
Enivre moi, spectre dansant.

Le long des arches sourdes de grises cathédrales,
Rampent en long cortèges nos misères sournoises,
Quelques pensées sauvages que les saints apprivoisent,
Quelques rêves vicieux évaporés du Graal.

Le filtre des vitraux publie sur pentagramme,
Les clichés saturés d'un triste masochisme.
Nous dévorons la vie déformée par ce prisme,
Le granit maquillé sera substitut d'âme.

Jeunes années, spectres dansants,
Faut-il toujours qu'on perde en sang,
Mourant avec, survivant sans
Restes d'amour, spectres d'encens.

Belle fumée, spectre d'encens,
Emplis ces cœurs vides de sang,
Embaume les amours absents,
Enivre moi, spectre dansant.

Et puis un oiseau fou traverse le vitrail,
Le matin cru s'écoule entre les bris de verre,
L'encens et la dentelle quittent les murs de pierre,
La lumière terrestre luit sur le sérail.

L'air, la pluie, le vent froid, la vie en cavalcade,
Envahissent la nef, alcôves et chapelles,
Des anges pétrifiés laissent frémir leurs ailes,
L'homme tétanisé construit sa barricade.

Mais du passé enfoui, tout remonte soudain,
De la terre jaillit, entre le marbre froid,
L'amour et le frisson, le délice, l'effroi,
Rien ne meurt aujourd'hui, ma vie est un jardin.

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