lundi 27 mars 2017

Triste espace-temps

Triste espace-temps.


Tant de jeunes années vous ai-je vu tracer,
Lignes autour de nous, frontières sans pays,
Bâtir des murs de sables, nourrissant les marées,
Entre nous et ailleurs, hier et aujourd'hui.

Les horloges roulaient, implacables traîtresses,
Sur nos jeunes années réduites en poussière,
Et sous cet ocre vent vous traciez sans cesse,
Sous le fard des frontières, le plan du cimetière.

La poussière volait dans cet atelier blanc,
Par d'opaques vitraux, je regardais un monde
Qui fonçait vers hier sur les chariots du temps,
Tant que nous nous aimions, j'aimais chaque seconde.

Nous élevions l'amour dans cette cage molle,
Ici et aujourd'hui : à jamais nos adresses,
Les mains frêles et nues enserrant nos idoles,
Craignant qu'un jour la mort ne vole nos caresses.

Et pourtant tu partis, plus loin que les frontières.
Notre adresse changea, nous habitons hier,
Et dans l'atelier blanc se pose la poussière,
Notre monde s'enfuit par les vitraux ouverts.

Parfois funambulant, sur les lignes tracées,
Promenant mon passé : tristesse passe-temps,
Et les yeux grands fermés, je marche des années,
Jusqu'au bout des frontières du triste espace-temps.

Et ces lignes qu'on prend une vie à tracer,
Un dernier souffle les efface froidement,
Apportant le visage, les yeux jadis aimés,
Et annonçant la mort, du triste espace-temps.

Alors s'évanouissent les jours et les saisons,
Chaque matin fleurissent mille beautés sans nom,
Alors s'évanouissent le temps et la raison,
Et chaque soir je tisse des rêves à ton nom.

Et nous marchons dans tant d'espace,
Et nous vivons dans tant de temps,
Et la tristesse passe-temps s'efface,
Et se meurt le triste espace-temps.

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