samedi 14 mars 2020

Le prisme du corps

Le prisme du corps


Parlons de l'oublié de la philosophie,
Du tabou des apôtres et des moralistes :
La chaire que l'esprit condamne à l'atrophie,
Et la mort annoncée des transcendantalistes.

Restreignons l'analyse à nous autres vivants,
Et définissons nous comme humbles autocrates,
D'un empire de peau, de fluides clivants :
Sans organe, sans os, il n'est plus de Socrate.

Nous voici citoyens de mille carapaces,
Qui, Dieu nous en fit grâce, sont murs translucides.
Ainsi nous observons de nos yeux de rapaces,
Mais le corps entier voit pour nous rendre lucides !

Et ces masses de chaires, splendides poétesses,
Savent en une fièvre repeindre le monde,
Nous convaincre du pire avec délicatesse,
Ou changer les aimés en chimères immondes.

Quand nous nous évadons et croyons réfléchir,
Les fantômes toujours de sensations passées,
Caressent nos esprits et viennent infléchir
Nos idées, nos songes : tout est cadenassé.

Dans nos prisons de peau, attendons nous la mort ?
Que dit la maladie couchée nue sur nos lits ?
Pourrons nous dans la tombe dire tous nos remords ?
Le temps du corps est là, qui nous réconcilie.

Voyons changer la rue au gré de nos symptômes,
Les nuages soudain se figent, accélèrent,
Sous les combinaisons de nos propres atomes,
Naissent au même instant orgasmes ou colères.

Sous le prisme du corps, notre monde fleurit,
Nuances infinies des faiblesses humaines,
Sous le prisme du corps, aucun rêve proscrit,
Ouvre les yeux, explore ton immense domaine.

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