Il s'agit d'écrire des scènes de théâtre pour lier un recueil de chansons qui s'appelle "le café du port". En fait les chansons racontent la rencontre de deux jeunes gens sur Internet -oui je sais, ils sont vicieux!-, et le café du port est l'endroit où ils se rencontrent à la fin.
Donc moi j'ai écrit les discussions dans le café, entre une serveuse et un pochtron, à propos des thèmes abordés dans les chansons. Les chansons sont arrangées par mon ami Alain, avec qui j'ai déjà travaillé sur les confidences...
Sans la musique, sans les décors, sans les intonations, je ne sais pas vraiment quel intérêt ça peut avoir. Mais je me lance. Faites parler Jean-Gabin et Arletty en lisant, ça passera mieux!
Bon courage, et pour ceux que ça intéresse, ça sera joué le 28 mars.
Scène 1 : Hors saison
La serveuse est de dos à la porte du café, nettoyant des verres, rangeant son bar. La porte s’ouvre et le marin entre.
S (ironique, sans le regarder): Bien le bonjour, Amiral, mes hommages du matin !
M (s’arrête, étonné) : Moi qui pensais pouvoir rentrer incognito… tu me reconnais au bruit ou à l’odeur ? Je suis pourtant presque certain d’avoir pris une douche cette semaine… C’est ma manière virile de fermer la porte qui m’a trahi ?
S (se retournant vers M): Rassure toi, ici ça sent le poisson même quand tu n’es pas là… Mon pari n’était pas trop risqué ! Tu penses que je vois défiler beaucoup de monde en cette saison et à cette heure ci ? C’est la routine qui t’a trahi, Amiral, et rien d’autre!
M (expliquant lentement, avec des gestes): Que veux-tu, j’habite à l’ouest du café. Les vents dominants me poussent vers le bistrot dès que je mets le nez dehors !
S : Alors tu as une excuse. Et avec l’ampleur de ta voilure, tu es une sacrée proie pour les bourrasques !
M (arrive au comptoir) : Te fous pas de moi veux tu ! Un peu de respect pour les clients fidèles. En plein mois de mars, c’est pas les touristes qui vont te faire la conversation. Ou faire monter ton chiffre d’ailleurs…
S : Rassure-toi, je ne vais pas risquer de perdre la moitié de mon chiffre ! Je vous présente mes plus plates excuses mon amiral, il est indiscutable que vous êtes fuselé comme une goélette !
M : Bien, bien, continue !
S : Les compliments c’est comme l’alcool, il vaut mieux te les donner au compte goutte. Sinon ça te monte à la tête … Et puis pour qu’une flatterie fasse de l’effet, il faut qu’elle soit crédible… au moins un peu.
M : Vas y, ouvre le compte goutte, je prends pas le volant. Sers-moi mes éloges du matin ! Et puis il n’y a personne aujourd’hui pour nous entendre, tu peux flatter sans crainte.
S : C’est le moi de mars ! On est hors saison…
M : J’ai du mal à me rappeler la dernière fois qu’on a été en saison. Ce serait donc vrai ce que disent les gens dans les bars, il n’y a plus de saison ?
S : Il y a des basses saisons qui durent longtemps ! Les gens ne suivent pas la lune, comme la mer ! Ils ne sont pas réglés comme la marée.
M : Ici y’a plus grand-chose de réglé je crois. Le village est trop vieux… (pour lui, presque en réflexion intérieure)On doit être dans un village ménopausé…
S : Voilà, un demi-compliment, et tu divagues… Les gens vont revenir. Je sais pas quand. Tu sais quand ils partent, mais jamais quand ils reviennent. (regardant au fond d’une tasse qu’elle nettoie) Je vais me mettre à lire dans le marc de café…Ici, ces temps ci, le niveau est bas, dans les rues, et dans les caisses aussi !
M : C’est ça de vivre dans un port, tu vois partir les bateaux, et puis tu attends. Comme les vaches qui voient passer les trains, nous on voit passer les jours. Ca use tout ça !… Le sel, le vent, l’attente !
S : Mais t’attends quoi au juste ? Ca sert à rien d’attendre pour attendre !
M : J’en sais rien… C’est pas une heure pour réfléchir… Tu m’as même pas encore servi mon café d’ailleurs. Je peux pas philosopher non caféiné moi. J’attends le retour de ceux qui sont partis…
S : Méfie toi, les gens ne sont jamais les mêmes quand ils reviennent… (Rigolant) T’attends que ça revienne comme avant ? Avec la foule en terrasse, les chansons, les filles en jupettes et en tongs ? C’est bien d’y croire ! T’aurais fait une bonne femme de marin tu sais ! Mais j’espère aussi. Ils sont là les gens, on les croise, on les voit chez eux. Mais ils sortent moins, ils ont peur du vent… Ils communiquent autrement, faut croire!
M : Voilà, on vient des grandes villes, et on fond au premier crachin. De mon temps, on était plus imperméable il me semble.
S : Elevé au beurre salé… Ia pas de secret…
Là il y a une chanson qui parle du village...
Scène 2 : La digue, les vagues (le brise larmes)
La serveuse prépare le café du marin, le regard dans le vide, désolée par le calme du village.
S : Regarde un peu cette mer… C’est désolant. De l’huile ! On se croirait dans le midi. Ca n’a pas une gueule de port breton…
M (ironique): Tu as raison, avec cette foule, ces palmiers, ces yachts, on se croirait plutôt à Saint-Tropez…
S : Je n’aime pas ce calme, ça me fatigue. Tout ce silence ça m’effraie. En plus je m’entends trop penser.
M : Oui ! Ça doit faire peur en effet.
S : C’est ça que j’aime ici d’habitude. Le bruit des vagues, le bruit du vent, même quand il y a pas un chat, il y a du mouvement. Il y a de l’air frais !
M : Ce n’est pas l’air qui manque, ni la fraîcheur d’ailleurs. Mais une petite accalmie de temps en temps ça repose aussi. Ca permet d’enlever le sel qu’on a sur les joues, ça permet de se recoiffer !
S : J’aime bien quand il y a du sel ! Quand les embruns fouettent le visage ! Avant les vagues éclaboussaient jusqu’à nos fenêtres tu te souviens ! Qu’est-ce que j’aimais ça ! Mais depuis ils ont mis une digue. On voit les tempêtes de loin… Dommage ! J’adorais rester à mon bar, avec un chocolat, à regarder les vagues s’exploser sur les rochers… J’étais comme un capitaine à la barre !
M : Crois moi si tu avais été à la barre un jour de tempête, tu serais bien heureuse qu’on ait cette digue maintenant.
S : Je sais pas. C’est comme ça que j’aime vivre je crois, par gros temps ! Dans les extrêmes, les vagues, les creux, j’aime avoir le cœur secoué. Quand c’est trop calme je me sens mal. J’ai l’impression d’étouffer quand le vent tombe.
M : J’ai connu le gros temps, l’ivresse du grand large comme celle du grand amour ! Ces moments où tout est démonté, où tu ne sais plus où est la mer et où est le ciel. Je me sentais vivant c’est vrai, mais je me demandais surtout combien de temps j’allais le rester ! Je ne suis pas mécontent d’avoir le sol sous mes pieds aujourd’hui. Même si j’ai le temps de voir pousser les menhirs !
S : Mais tu avais choisi de partir aussi un jour. Les excès, les peurs, tu les as cherchés aussi. Tu as eu besoin un jour de te jeter dans le vide.
M : Je crois m’en souvenir… Oui, oui bien sûr j’ai été jeune ! Comme tout le monde.
S : Moi jamais. Ou pas encore, ou pas assez. Tu vois ce bar ? C’est ma digue. Je suis endiguée, si c’est pas triste.
M : J’ai des contacts au Mont St-Michel, si tu veux je peux te faire désensabler…
S : Toujours tes âneries pour éviter les discussions sérieuses… Je commence à te connaître. Je comprends que tu aies jeté l’ancre. Ce n’est pas facile de se jeter à l’eau perpétuellement. Surtout quand on a essuyé quelques grains. C’est plus facile de rester au sec avec son café.
M : J’avais des rêves de conquête, de grande aventure, et les vagues m’ont jeté sur le sable comme un vieux bout de bois… Depuis j’y réfléchis à deux fois avant d’y retourner. Tu apprécierais ta digue si tu avais vécu ça !
S : Tu sais j’ai connu l’ivresse du large aussi, une fois. Et j’ai fait un sacré naufrage, j’y ai laissé des plumes. J’en parle pas trop, ça se fait pas. Et puis je préfère écouter les gens. Mais c’est depuis cette tempête, je pense plus qu’à une chose, y retourner. J’ai eu très peur, j’avais tout abandonné ! Mais jamais je ne me suis senti si vivante.
M : Alors c’est encore plus grave que je pensais ! Non, je t’admire. Parfois j’aimerais avoir gardé cette énergie, cette folie. J’aurais aimé que le sel ne rouille pas certains mécanismes.
S : Moi j’attends toujours derrière mon bar, derrière ma digue ! J’attends que les vagues de vie qui secouent la salle de mon café m’éclaboussent un peu ! Et alors je suis heureuse. Je suis jeune !
M : Une grande exploratrice, je vois ! Hé bien larguez les amarres, naviguez moussaillon ! A l’abordage !
S : Du calme amiral. Je suis ouverte à l’aventure, pas à la piraterie.
M : Entre les pirates et les aventuriers, il n’y a pas beaucoup de différence. Ce sont des conquérants, des solitaires ! Après, ce n’est qu’une affaire de style !
Scène 3 : Les grands explorateurs
Monologue du marin
Le marin est à sa table avec son café, la serveuse est occupée à autre chose. Il regarde la mer par la fenêtre.
M : Encore un qui se prend pour un grand explorateur… Moi aussi j’explore, depuis ma fenêtre ! « Explorateur Windows » ! C’est moi ! Enfin je suis pas le premier à avoir posé mon cul ici pour regarder l’horizon. Même si doit y avoir mon empreinte sur la chaise maintenant (il regarde)…
Toujours on rêve d’ailleurs, on rêve de nouveau… Mais pourquoi du nouveau. Par principe ça sert à rien. « La nouveauté c’est vieux comme le monde » disait Prévert ! Ils sont pas bien ici, tous ces explorateurs ?
(pause)
Pourquoi ce serait mieux là bas ? Toujours partir, découvrir plus, découvrir mieux, juste « autre chose »… qui se trouve forcément derrière la barrière de l’horizon. C’est le principe des barrières ! Inciter les hommes à les sauter pour savoir ce qu’il y a de l’autre côté.
Ils ne savent même pas ce qui les attend là bas… Mais c’est pas grave, ils embarquent ! C’est ça qui leur plait, l’inconnu ! Aussi bien ils seront accueillis pas une femme pieuvre avec des ventouses au fesse, ils en savent rien… Au moins en regardant l’écran, ils ont une page vierge pour rêver. Tout reste possible, ces terres sont vierges de désillusions ! Alors on part.
(Pause)
Et puis un jour on se retourne et on pense à ceux qu’on a laissés sur le quai. Alors ça vous coupe les ailes. Qu’ils se méfient ces Icares ! On se sent un peu con après, c’est peu de le dire. Tout seul au café du port sans bateau et sans ailes !
Il y a tellement de trucs à découvrir sur le pas de sa porte ! Des fois on vit sur une mine d’or, mais on s’en rend pas compte ! On préfère aller piquer dans la poubelle d’à côté que de creuser sous ses pieds.
Faut creuser un peu pour voir la mine d’or, j’ai pas dit que c’était immédiat ! Mais c’est ingrat de creuser, on préfère s’envoler, avec panache, et aller butiner sous les tropiques! Ca vire Cigale et fourmi mon délire…
(pause)
Est-ce qu’ils cherchent vraiment quelque chose ces explorateurs ? Ou est-ce qu’ils s’enfuient… Ils n’ont pas vraiment envie d’arriver je pense. Juste de partir. C’est seuls en mer, en partance vers on ne sait où, qu’ils sont heureux. Ou qu’ils sont moins seuls en tous cas. On est jamais plus seul que dans une foule. Sur le bateau, ils sont seuls, mais il n’y a personne pour leur faire remarquer !
Et puis on ne sait jamais, peut être que la fille sur la plage d’en face n’aura pas de ventouses sur les fesses… Juste des tentacules…
Là c'est une chanson qu'elle parle de la fille, ça dit comment elle s'appelle Coraline, et comment on a l'impression qu'elle joue du piano quand elle est à l'ordinateur.
Scène 4 : La spectatrice
Monologue de la serveuse
Le marin s’est assis plus loin et boit son café. La serveuse réagit à la chanson qu’elle a écoutée. Elle confie ses impressions au public
S : Tu me mets devant un ordinateur, ça donne pas du Chopin je peux te dire ! « Au clair de la lune » peut être, si je me concentre.
Comme quoi la musique sort de partout, même des ordinateurs…
Enfin ici c’est un pays à mélodie de toute façon. On dit que c’est minéral, que c’est froid, mais je ne trouve pas. Bien sûr, le granit n’est pas très bavard, mais ça fait chanter le vent, un peu comme un violon. Et puis les vagues se brisent dessus, alors on a les cymbales aussi ! Et les mâts des bateaux sonnent comme des clochettes. Finalement tout est doux ici, tout se mêle ! On a du sel dans l’air, des bulles dans l’eau, des algues dans les prairies… Le matin, quand j’arrive, la brume diffuse les lumières du port, elle les mélange à la nuit comme le lait au café. C’est tout nacré comme dans un coquillage.
C’est jamais très vivant ici, c’est pas la ville, mais c’est jamais complètement mort non plus. Un port ça respire toujours.
Mais moi je reste au chaud. J’aurais bien aimé être artiste aussi, peindre le ou raconter ce que j’entends ici… Etre au cœur de l’action, être actrice ! Mais je suis seulement spectatrice.
Les gens entrent, les gens sortent, ça fait comme des petits écrans qui s’allument et qui s’éteignent, et ils me jouent une petite scène que je fais semblant de pas entendre… Pas besoin de zapper je vois de tout ! Alors je voyage comme ça, au chaud dans mon café en écoutant les marins (ou les moins marins, parcequ’il y en a qui ont soif sans avoir navigué) parler des îles, de je ne sais où ! C’est toujours des jolis noms mais je les retiens pas… J’aime mieux les inventer, ça fait encore plus exotique !
Remarquez la plupart du temps ils parlent de leur expédition au café d’en face. Pour sûr c’est exotique, vous verriez le troquet, tout blanc, tout lisse, avec des lumières bleues, et ça clignote…
En plus c’est bien connu les marins ne résistent pas au chant des sirènes ! Et pour les sirènes, c’est plutôt en face !… Moi quand je chantais, j’accrochais mon mari, mais pour qu’il se sauve pas! Mais j’ai pas trouvé de liens assez solides… Ca m’apprendra à acheter des cordes au rabais.
Alors je prends ce que la marée m’offre ! Ou ce qu’elle rejette, c’est selon le point de vue… On ne sait jamais ce qui va arriver à la prochaine marée ! Tiens, encore un amiral (regardant le marin qui boit son café), mais demain ce sera peut être un baril de lessive et une paire d’espadrille ! Ou un équipage ukrainien en permission ! (rêveuse) Ahhh j’ai eu ça les ukrainiens, ils ont des beaux pompons les ukrainiens !
C’est toujours rassurant de se dire que tout peut arriver demain. Mais ne croyez pas que je reste plantée à attendre, moi j’envoie des trucs aussi en échange. Je glisse des mots dans l’addition des fois… Des petits messages, dans le vent souvent, dans le brouhaha du café. Mais le hasard est un excellent messager vous savez, et un très bon entremetteur. Je lui fais confiance, on s’écrit, on échange, on discute !
Là c'est une chanson qu'elle raconte comment les deux d'avant ils s'échangent tout plein de mails...
Scène 5 : Une bouteille à la mer …
Fin d’après-midi au café, lumière chaude, ambiance cosy
M : Il en passe des messages ! Ceux qu’on écrit, ceux qu’on dit, ceux qu’on ose pas dire… Et pour quel résultat ?
S (à la fenêtre) : C’est vrai, regarde la plage à cette heure-ci. Quand le soleil est assez bas, elle se met à scintiller. D’ici c’est vraiment merveilleux. Mais quand on s’en approche, on se rend compte que c’est surtout le verre cassé qui scintille… C’est moins poétique.
M : C’est ta découverte du jour ? J’essayais d’être un peu sérieux pour une fois, raté !…. Et c’est quoi le lien avec les messages ?
S : Laisse-moi finir ! Parfois quand je longe la plage je me demande d’où viennent toutes ces bouteilles cassées. Peut être que dans certaines il y avait un message, justement!
M : En tous cas je peux te dire qu’il y avait un message sur l’étiquette, et selon la bouteille je peux même te dire à peu près lequel !
S : Merci, mais j’en ai une belle collection derrière moi. Je lirai quand j’aurai un moment. Non je veux dire il y avait peut être quelque chose d’important dans ces bouteilles !
M : Oui du Rhum par exemple…
S : T’es pas très coopératif ce soir !
M : Coopérant !
S : C’est pareil, le résultat est le même. Bref je trouve amusant de penser que ces morceaux de verre cassés portaient un message du bout du monde. Mais les gens se posent pas la question… Ils se soucient pas du contenu…
M : Ah non c’est pas vr…
S (l’interrompant): Je ne parlais pas pour toi, je sais que tu t’en occupes du contenu… (regarde son verre vide) d’ailleurs tu lui as déjà réglé son compte à ce contenu là… Faut suivre avec toi ! (remplit à nouveau le verre de M)
M : Tu es hautement complice dans l’altération de ma lucidité…
S : Je plaide coupable en effet !
M : Enfin bon malgré tes méfaits j’ai bien compris ton histoire de paillettes. Tu sais les gens sont comme les mouettes…
S (l’interrompant à nouveau): Ca commence bien
M : Dès qu’ils voient un truc qui brille, un truc qui clignote, ils s’abattent dessus sans se demander ce qu’il y a dedans. Je pense que quand on jette une bouteille à la mer, faut surtout bien choisir la bouteille… Une qui brille. Et qui flotte aussi c’est mieux.
S (se moquant): Quelle fin stratège ! On n’est pas amiral pour rien je vois ! Bon je vais aller trouver une belle bouteille, bien la fermer pour qu’elle flotte, et hop, à coup sûr je vais être contactée par une mouette ou par un goéland !
M (la regardant dubitatif, un peu désabusé): On est peut être pas serveuse pour rien non plus… C’est une METAPHORE ! Fais un effort ! Bien sûr il faut un beau message dans la bouteille si tu veux qu’on te réponde! Mais t’as intérêt à pas choisir n’importe laquelle si tu veux que Brad Pitt la ramasse en marchant sur la plage ! (Ironique) Et faut écrire gros sur le message, parceque les goélands voient pas très clair je crois.
S : Message reçu mon amiral ! Il parait que ça marche parfois ces trucs. C’est pas juste bon à faire rêver les serveuses. Des fois on lance au hasard, et on tombe juste !
M : T’as bien raison d’y croire ma jolie. A chaque pot son couvercle ! Santé !
Après c'est une chanson qu'elle raconte comment ils décident de peut être un jour se rencontrer...
Scène 6 : Aux frontières du réel
Le marin taquine la serveuse, la trouvant un peu mièvre, loin des réalités. Peu à peu, la serveuse le convainc de la rationalité de son raisonnement.
M : Mais dis moi, si on y répondait vraiment, à ta bouteille, qu’est-ce que tu ferais?
S : Faudrait voir la réponse… Quand j’envoie des SOS, je veux pas être sauvée par n’importe qui non plus !
M : Pas folle, la guêpe ! Mais comment tu pourrais savoir si c’est le bon sauveur ? S’il t’a griffonné trois mots sur un bout de papier … Tu serais bien avancée !
S : J’imagine que si mon sauveur est un peu sensé (et c’est une condition nécessaire, l’esprit. Et les pectoraux d’acier aussi), il aura laissé une adresse sur le bout de papier. Alors nous pourrons nous écrire vois-tu! Enfin j’espère, parceque les bouteilles c’est sympa un moment, mais je me vois pas aller jeter ma bouteille à la mer tous les matins… Et puis le soir arpenter la plage pour trouver la réponse ! Non c’est pas écolo. Et pas très discret non plus, n’importe qui pourrait lire nos lettres enflammées…
M : Bien, soit, admettons, le chevalier a un cerveau, et il a laissé une adresse. Et vous correspondez. Tu crois vraiment qu’on peut connaître quelqu’un juste avec des lettres ?
S : J’imagine. C’est mieux que rien quand même!
M : T’es même pas sûre que c’est lui qui a écrit, il est peut être analphabète, cleptomane ou ingénieur… Et il peut écrire tout ce que tu as envie de lire sans en penser un mot !
S : Oui peut être… mais au moins ça montrera qu’il a envie de me rencontrer ! Si je tombe sur un homme qui me dit ce que je veux entendre j’aurai de la chance ! Plus de chance que par le passé !
M : Mais qui te dit qu’il n’est pas un sombre stratège, un manipulateur manichéen, un vicieux Vicomte, un Valmont volage ?
S : Et qui te dit que ça me plait pas les liaisons dangereuses ? La bibliothèque rose tu sais, j’ai passé l’âge ! Et puis la collection Arlequin j’en suis revenue aussi. C’est pas parcequ’on rêve qu’on est née de la dernière pluie !
M : Si tu le dis ! Mais je pense que tu l’as trop rêvé ton sauveur. Tu ne pourras jamais vraiment le voir comme il est. Tes liaisons dangereuses, c’est un grand bal masqué, c’est tout. C’est la grande Illusion !
S : C’est une belle énergie, l’illusion. Et puis quand on rencontre quelqu’un, même à fleur de peau, du bout des doigts ça reste enrichissant. Si ça colle pas, je mettrai mes rêves à jour, c’est tout !
Après c'est une chanson qu'elle se demande si quand même c'est bien sérieux ces amours virtuelles. Non mais.
Scène 7 : D’un monde à l’autre
S (songeuse): Mais dis moi, tu crois que ce serait très différent, si je le croisais ici mon Apollon ? Qu’est-ce qu’on sait vraiment des gens quand on les rencontre ? Ils nous racontent ce qu’ils veulent dans la vraie vie aussi! D’accord on voit s’ils ont des beaux yeux… mais tu sais, même après 20 ans de mariage, on peut avoir des surprises, tu vivras jamais dans la tête d’un autre mon bonhomme !
M : Non c’est vrai. Pourquoi tu vas prendre des risques en plus alors, si c’est déjà tellement compliqué comme ça.
S : Justement, ça ne peut pas vraiment être plus compliqué. Une rencontre c’est toujours l’inconnu. La seule chose qu’il faut savoir finalement, c’est qu’on ne sait pas grand chose ! Alors je préfère être joueuse !
M : Tu marques un point…
S : Oui, il y a toujours un risque, il a toujours un doute. Mais il y a aussi toujours une chance. C’est ça qu’est beau !
M : Explique ça au jeune homme là dehors ! Ca fait 10 minutes qu’il attend en en guettant dans la vitrine...
S : Il a l’air bien perturbé ce grand garçon en effet ! Ca sent le premier rencard ça ! Le pauvre il tremble comme une feuille. Je sais pas si c’est le froid ou le trac… Il ferait mieux d’entrer !
M : Je parie qu’il vient pour la gamine là bas. Elle a pas levé le nez de son clavier, il peut pas la voir…
S : Il y a des chances effectivement… Je pense pas qu’il vient pour moi ! Bon on parie quoi, ton café de demain ?
M : Ca roule !
Et pour finir c'est une chanson qu'elle raconte comment ils se voient en vrai pour la première fois...
Fin :
Coraline est assise à une table avec son PC portable, le marin et la serveuse accoudés au bar, s’ennuyant.
Icare entre, cherche un peu du regard dans le café. La serveuse lui montre la table de Coraline.
S : Je crois qu’on vous attend monsieur !
Icare, pressé et gêné, se dirige vers la table
I : Coraline ?
C : Icare ?
Ils commencent à parler, on ne les entend pas.
M : Bon je vais te laisser, t’as du monde. Goodbye Marylou !
Et après tu t'en doutes, c'est fini. Pour ceux qui ont du mal, S c'est pour serveuse, pas pour Serena. Et M c'est pour marin...