vendredi 23 avril 2010

Zoophilie

Zoophilie.
Aujourd’hui, je suis saisi d’une virulente conscience journalistique (et d’une flemme assez spectaculaire). Ainsi, j’ai entrepris pour vous un étourdissant voyage aux sources mêmes de la composition écrite. Et de mon fabuleux périples au pays du CE2, j’ai ramené pour vous quelques uns des principes fondateurs de l’écriture, qui devraient garantir cette fois ci un article clair, structuré, et surtout passionnant. Comme je ne veux pas trop déstabiliser mon lectorat en me mettant d’un coup d’un seul à écrire des choses fulguramment intelligentes, je vais appliquer progressivement ces fameuses règles d’or de l’écriture que j’ai pêchées dans mon ancien cahier de composition. Première règle : choisir un thème. J’ouvre mon cahier à la première composition : « décris ta chambre ». Pas moyen, il y a peut être des mineurs parmi les lecteurs, je ne peux pas parler de ma chambre ici. Deuxième composition : « décris ton animal préféré »… Bingo !
Bon sang mais c’est bien sûr ! Après avoir joué la carte kiwi, je m’en vais te lister joyeusement tous les personnages du règne animal que j’aime et t’expliquer pourquoi ! Je savais bien que cette plongée dans l’école primaire rehausserait le niveau de ce blog… Toujours revenir à la base ! Et toujours bien fermer le blender avant de mixer des carottes. Parceque au bout de 3 ou 4 fois, c’est un peu lassant de passer ses soirées à lécher son repas sur les carreaux de la cuisine.

Bon allez, c’est parti pour mes animaux préférés. Je te les mets pas forcément par ordre de préférence, sauf le premier qui est tellement mon préféré qu’il faut absolument qu’il soit le plus préféré de la liste de mes animaux préférés.

Alors pour moi le roi des animaux, je te le donne en mille, c’est pas cette feignasse de lion jaunâtre qui dort à l’ombre des baobabs. Le roi des animaux c’est l’émeu. Il trône très haut sur mon olympe, et même sur un piédestal sur l’olympe ! Mais pas longtemps parce que l’émeu gigote beaucoup, donc il y a fort à parier qu’avant que j’aie fini d’écrire cette phrase, l’émeu sera tombé du piédestal et dévalera les pentes de l’olympe, les pattes emmêlées autour du cou. Peut être même chantera-t-il des chansons paillardes. L’émeu a la dégringolade musicale, et c’est pour ça qu’on l’aime. On aime aussi l’émeu pour son allure bonhomme, son œil vif et charmeur, et sa morphologie sensuelle à souhait : un gros coussin à plumes, avec trois tuyaux qui en sortent, j’aime le concept. Imagine comme ta vie serait belle si tu avais, comme l’émeu, une troisième jambe à la place tu cou !
Et puis l’émeu, comme toutes les nobles créatures de ce monde, tire sa splendeur de sa manière d’être, qu’il hisse au niveau d’art de vivre. Son credo : j’avale. J’avale les ananas entiers, j’avale le paquet de pop corn en entier avec le plastique, j’avale le sac à main avec la petite vieille qui y est accrochée (c’est pourquoi il n’est pas rare d’entendre un « tu veux mon doigt !! » sortir du ventre d’un émeu lorsqu’on se cure le nez dans un zoo). Si Zola avait son « j’accuse », l’émeu a son « j’avale ». Quand j’étais petit un émeu avait avalé mon bras droit jusqu’à l’épaule alors que je lui tendais gaillardement un pop corn. La main dans son estomac, j’avais récupéré une montre, un parapluie (ouvert) et une selle de vélo presque neuve et une roue de secours pour mon tracteur.
Et puis l’émeu est romantique (avec un nom pareil, forcément), et se livre au printemps à des parades amoureuses qui n’ont pas manqué d’inspirer les candidates du « bachelor ». Comme tu l’as compris, l’émeu a le siège du QI bien implanté dans la panse. Le reste suit. La parade de l’émeu consiste en une course effrénée dans la savane (ou dans ta cuisine, mais je ne conseille pas d’avoir un émeu en appartement), caractérisée par de brusques et aléatoires changements de direction (tu comprends le lien avec le bachelor). Sauf que la tête, nonchalamment perchée sur un cou de 148 vertèbres, n’est guère informée des décisions prises au niveau du cerveau stomacal de la bestiole. Donc elle suit comme elle peut, avec pas mal de retard… Mais comme ça l’amuse beaucoup (et ça t’amuserait aussi, d’être un peu bousculé dans la savane par un émeu, avoue le, coquin), l’émeu affiche un air hilare, et d’enthousiasme, il bat des ailes frénétiquement, façon « i beleive i can fly », ce qui n’est pas vrai du tout. Comme dit un vieux proverbe russe bien connu des danseuses classiques : « entre avaler des pneus de tracteur et s’envoler avec légèreté, il faut parfois choisir ». L’émeu a choisi, il avale.

Maintenant je dois confesser un rapport assez malsain avec cet animal merveilleux qu’est le lapin. Pour preuves, ma fascination pour le film « house bunny » (« super blonde » en français), et mon tatouage playboy sur la fesse gauche. J’ai en général peu de pitié envers les animaux qui ont un potentiel de manteau intéressant. Un chinchilla, par exemple, j’ai du mal à l’approcher sans m’en faire un manchon… Mais les lapins non. Et me cause même pas de civet. Il faut dire que le chinchilla est une sorte de patate velue (du genre de celles qui ont passé 6 mois dans le fond de mon frigo) qui passe ses journée à dormir dans un bac à sable. Il a l’air tellement plus épanoui sur le dos d’une actrice glamour… Le lapin est mignon. Il sautille maladroitement sur le parquet ciré de mon salon, s’évertuant à parcourir 50 cm tellement ça glisse avec ses patounes poilues… Et moi ça m’attendrit pendant que je le filme dans sa galère.
Je n’ai plus de lapin chez moi. C’est beaucoup trop dur émotionnellement d’envisager leur disparition. Et puis il faut engager des pleureuses (souvent syndiquées), organiser le cortège funèbre jusqu’au panthéon, payer le discours de Frédéric Mitterrand… Bref je ne peux plus. Mon premier lapin vivait en collocation avec un hamster qui le raquettait. La nuit il venait lui voler ses graines. Le lapin était tellement stressé qu’il en a perdu tous ses poils. Il ressemblait à une gambas. Et moi j’avais beau sermonner le hamster, rien n’y faisait. Mon deuxième lapin j’ai bien peur qu’il n’ait pas beaucoup aimé quand j’ai vidé une bombe de baygon sur une mouche, en oubliant complètement qu’il était juste à côté… Bref le destin m’indique clairement que je ne suis pas fait pour avoir un lapin.

Ensuite je dois dire que j’aime assez les ratons laveurs.

Voilà, ça c’est dit.

Et puis les blaireaux aussi je kiffe bien. Là j’ai une histoire à te raconter. Le blaireau, qui est un animal pataud, débonnaire et furibond (fallait vraiment que je fasse un article sur les blaireaux pour écrire tous ces adjectifs à la suite), et qui porte un maillot du PSG et fait de la randonnée à Jersey en portant un sac Quechua, a contre toute attente des mœurs nocturnes qui méritent qu’on les décrive.
Donc le blaireau, la nuit, ne dort pas. Non, il ne ronfle pas non plus, même si je suis certain qu’il grogne beaucoup. La nuit, il parcourt sans relâches et à pleine vitesse un circuit dans la nature, dont le rayon atteint fréquemment plusieurs kilomètres. Il n’est pas un blaireau pour rien non plus. Tu comprends le côté randonneur de Jersey… Et en bon randonneur consciencieux, le blaireau ne s’écarte JAMAIS du sentier balisé démarqué par les marques bleues, ou le cas échéant, par ses traces d’urine (on fait pas trop ça à Jersey, ou alors seulement on sort d’un pub). Mais alors il ne s’en écarte pas de 50cm. Blaireau un jour, blaireau toujours.
Et un beau jour, mes parents, qui vivent dans l’arrière pays sauvage de la bretagnie occidentale, ont constaté qu’un blaireau parcourait (et ravageait) chaque nuit leur verger. Ils ont promptement déduit que Dieu leur avait imposé le passage d’un circuit de blaireau (pourtant d’un rayon de plusieurs kilomètres) pile sur leur verger. Pas de chance… Que faire ?
Mon père, qui est ingénieur, et qui connaît très bien les blaireaux, ce qui n’a rien à voir avec le fait qu’il est inscrit à l’association de quartier mais quand même un peu, a eu une idée lumineuse. Il a posé un grillage pile sur la trajectoire du blaireau, à l’entrée du jardin. Pas un grand grillage, non, à peine plus large que la largeur d’un blaireau moyen. Hé bien ça n’a pas raté. Le lendemain matin, pas de trace de blaireau dans le verger. En revanche le grillage était défoncé, avec une bosse en forme de crâne de blaireau. Le blaireau avait foncé droit dans le grillage, et l’idée de le contourner ne lui effleurant même pas l’esprit, il avait rebroussé chemin. Du coup il a pris sa carte IGN dans son sac Quechua, et il est allé randonner plus loin, dans le verger des voisins sans doute. Depuis, j’adore les blaireaux. J’aime les créatures obstinées.



Il faut aussi que je t’avoue un penchant pour les belettes.
Quand j’étais petit, mes grands parents avaient un poulailler. Et ils n’arrêtaient pas de raconter des histoires de belettes, toutes plus terrifiantes les unes que les autres. « La belette a encore égorgé 3 poules », « La belette a tordu le cou a une oie », « la belette a décimé un troupeau de mouton », « la belette a dévoré ma plus belle vache et a déposé la carcasse dans mon lit »… Bref la belette c’était une créature mythique et terrifiante, qu’on ne voyait jamais, maligne comme le dernier fils d’un paysan, celui qui fait des coups en douce (celui qui n’est pas brave, mais qui est malin quand même). Et tellement transformable qu’elle pouvait passer dans tous les interstices de ta maison. Limite dans un trou d’épingle elle passait (ce qui terrifiait ma grand-mère qui se voulait couturière).
Alors quand j’ai été plus grand - je crois que c’est en mars 2008 que j’ai grandi - , intrépide jeune homme que je devins, j’ai enquêté sur les belettes et je suis allé au parc des bois pour essayer d’en voir une. Hé bien je n’ai pas été déçu. Entre quelques carcasses d’enfants (c’était peut être des branches mortes), une énorme belette (ou peut être mesurait elle une vingtaine de centimètres), rodait menaçante en jetant des sorts aux passants (ou peut être jouait elle guillerettement avec ses petits). Et puis j’ai été déçu quand même, elle n’égorgeait pas vraiment des vaches mais mangeait plutôt des limaces en général. Ce qui en soi est admirable je vous l’accorde.
Mais qu’importe, la valeur des êtres est dans les yeux des autres, et une créature mangeuse de limace qui parvient à terrifier un peuple (aussi jurassien et paysan soit-il), a toute mon estime et mon admiration.

J’aime beaucoup le rat musqué par principe, parce qu’il est arriviste. C’est quand même rien qu’un vulgaire rat, et il arrive à finir dans un joli manteau… Encore une belle preuve d’obstination. Pour un rat, c’est quand même plus glorieux de crever dans un manteau de fourrure que dans une poubelle… C’est vrai pour nous tous d’ailleurs.

La chouette des neiges a aussi mes faveurs. C’est un animal très fainéant qui a développé une extraordinaire souplesse du cou juste pour ne pas avoir à bouger le reste de son corps. Nous au zoo on lui lançait des trucs pour la faire bouger, mais rien n’y fit. On soupçonne même un peu que les gens du zoo l’avaient collé à une branche pour pas qu’elle s’en aille. C’est aussi un des seuls oiseaux qui porte des moonboots.

Je pense qu’il serait assez juste que je mentionne également le Coati dans cette chronique. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une sorte de gros hamster au poil très rêche, avec un nez de cochon. Et cette splendide créature à la grâce de sylphide (bien bourrée la sylphide, mais ça arrive) est extrêmement friande de pop corn. Du coup gros potentiel d’interaction débile avec le Coati, qui entre en transe quand il flaire un pop corn à 200 m. Et alors là ils se jettent dans la boue, font des pyramides pour atteindre le pop corn qu’on leur tend, construisent de petits hélicoptères avec des feuilles mortes pour s’échapper de leur cage (rassurez vous, ça ne marche jamais, mais c’est cool de les voir essayer) et bloquent l’espace aérien en provoquant des éruptions de volcans islandais. Très divertissant.

Pour finir, quelques mots sur les animaux que je n’aime pas mais alors pas du tout : les animaux aplaventrés, trop malins ou trop loyaux, comme les chiens dits « intelligents ». Bergers allemands en tête, surtout ceux avec des poils longs sur les cuisses, et qui trottinent toute la journée avec la langue qui pendouille. Yerk ! Je n’aime pas non plus les animaux soi disant dangereux, mais qui en fait ne font rien de la journée… Jamais un lion ne m’a piqué mon pop corn au zoo. Un émeu ou un coati, c’est très fréquent. La prochaine fois je demanderai une carcasse d’antilope à l’entrée du zoo à la place du pop corn. Et une brouette pour la trimballer.
A moins que je ne loue une antilope vivante, et que je fende le vent des savanes sur son dos, cheveux au vent, chemise ouverte, Meryl Streep en croupe, poursuivi par un lion ou un émeu en émoi…

vendredi 9 avril 2010

Auprès de quelques diables

Auprès de quelques diables j’ai pavé les enfers
D’intentions délicieuses qui mouraient au matin.
S’étranglant de désir sous le feu de mes mains,
Elles échauffaient ma vie de braises éphémères.


Auprès de quelques Saints j’ai pensé entrevoir
Loin au-delà des nues les lueurs de l’espoir.
Laissant sur le chemin mes émaux et mes ors,
Je n’atteignis jamais ces tristes sémaphores.


Auprès de vos fantômes, serpentaient à mes pieds
Des chaînes torturées, de lourds amants blessés,
Qui de leurs cris plaintifs écorchaient notre joie,
Et faisaient un calvaire de chacun de mes pas.


Auprès de mes chimères j’ai aimé m’enivrer.
Mais mes joyeux compères se sont évaporés.
Me laissant m’assécher au creux d’un caniveau,
Mon crâne déserté me faisait un cachot.


Auprès de mon miroir j’ai repeint mon visage,
Dessinant chaque jour les traits d’un personnage
Qui s’effaçait au soir lorsque ma lourde main
Massacrait au coton son œuvre du matin


Auprès d’un oiseau gris, qui portait sur ma vie
Une ombre sans sursis, j’ai parcouru l’oubli.
Ses yeux de charognard ne quittaient pas ma trace
Alors que s’étiolait mon enveloppe lasse.


Auprès de vous mon ange je me suis aperçu.
Dans l’ombre de vos ailes j’aimais voyager nu.
Mais pourquoi votre amour, à ma vie si précieux,
Doit-il prendre l’exil, lorsque j’ouvre les yeux ?


Auprès de quelques diables, j’ai joué les amoureux,
Et quelques mots exquis courraient sur mes errances.
Mais les diables fiévreux dansaient de folles danses,
Et jamais n’ont séché les larmes de mes yeux.