mercredi 17 mai 2017

Désert familier

Désert familier


Loin des foules du gris, l'exotisme total,
Les parfums du métro exilés hors de lui,
Il chasse loin d'ici des souvenirs enfouis,
Par des dunes d'ennui, par trop de corps glacials.

Être là maintenant, et sans terre natale,
Entre lui et hier, coulent trop de frontières,
Aiguille à la main, mémoire couturière,
Raccommodant les blancs de ses oublis fatals.

Monter la dune grain par grain,
Recoudre le temps point par point,
Et dans ce désert familier,
Apprivoiser un étranger.
Respirer l'or dans l'air de rien,
Sentir dans le temps le parfum,
Du large des airs familiers,
Revoir l'animal oublié.

L'esprit brode un mur, entre lui et l'oubli,
L'homme toujours construit au bord d'une falaise.
Attendant que le temps et l'inconscient se taisent,
Les odeurs du désert lui parlent sans un bruit.

Somnambules amers, rêvant sous somnifères,
Oubliant le désert où nos êtres fleurissent,
Enterrons le passé avant qu'il ne tiédisse,
Laissons derrière nous des enfants solitaires.

Dans le silence du trépas,
Remonter le temps pas à pas,
Et dans ce désert familier,
Apprivoiser cet étranger.
Quand l'air de rien souffle tout bas,
Les parfums fauves dorment là,
Du néant des airs familiers,
Redonnent vie aux effacés.

Le monde dépeuplé des animaux sauvages,
Nous habille de peau, de fourrure, de cuir,
Mais c'est de sa nature que l'homme veut s'enduire,
Et sans cacher son sang sous des années trop sages.

Ces fumées vivantes, de tabac, de safran,
Peignent sous nos paupières des maisons perdues,
Changent l'invisible, vulnérable et nu,
L'animal ennemi en prince innocent. 
 
Homme perdu sur sa planète
L'odeur du temps nourrit la bête,
Nu dans son désert familier,
Il s'habille de son passé.
Quand le réverbère s'éteint,
Faune nocturne il devient,
Et soufflant des airs familiers,
Redonne vie aux corps glacés.


lundi 15 mai 2017

Métro parfum

Métro Parfum


Sous la peau de béton des cités anonymes,
Courent de chaudes veines baignées d'un sang d'ombre.
Les lumières s'y perdent, et le temps y sombre,
Et des vies s'y écoulent en torrents infimes.

Quelques pieds sous terre, plus proches de l'enfer,
Y entrent inconscients des robots inconnus,
Aimantés par le noir, enivrés par le flux,
Ils fondent et oublient un autre jour souffert.

Peurs distillées, jus mélangées,
Regards perdus des disparus,
Âmes happées, évaporées,
Sous l'avenue, des diables nus,
Respirent l'ombre et se noient,
Ils disparaissent un à un,
Vers un ailleurs, vers un chez soi,
Restent vapeurs, métro parfum.

Les vicieux innocents, crime d'humanité,
Se punissent de tout dans ces longs purgatoires,
Et parmi d'autres diables, se sentant aimés,
Ils se cachent de ce qu'ils s'efforcent de croire.

Mais le sous-sol est froid, et l'enfer est en eux,
Brûlant l'un contre l'autre, ils réchauffent la ville,
Un sang commun emplit le vide de leurs yeux,
Il nourrit malgré lui le monde qui défile.


Corps contre corps, désincarnés,
Yeux grands fermés, à cœur perdu,
Croulant sous le poids des années,
Sueurs froides pour fièvres tues,
Se mélangent et se revoient,
Se reconnaissent un à un,
Dans la vitre mille autres soi,
Suent de concert, métro parfum.

Ils entrent presque morts, ressortent transformés,
Dans un autre décor, et sans un au revoir,
Pour hier, pour celui que l'on vient de quitter,
Celui qu'on a laissé s'oublier dans le noir.

Ils se voient clairement lorsqu'ils ferment les yeux,
Dante les attira dans ces antres sublimes,
Le vacarme des rails étouffent leurs aveux,
Et ils ne sont chez eux qu'en ces fiévreux abîmes.

Des corps perdus, désavoués,
Flottent au gré de cette crue,
Coulant un peu pour respirer,
Pour se perdre dessous les rues.
Et les enfers les renvoient,
Vers la surface un à un,
Ils y sont seuls, ils y ont froid,
Mais transpirent métro parfum.

samedi 6 mai 2017

Les Transparents



Les Transparents


Sous les vitres opaques, couvertes de poussière,
Transformées par le temps en vitraux mystérieux,
Une jeune mariée sourit baissant les yeux,
Songeant qu'il est trop tard pour faire marche arrière.

Son mari triomphant piétine la dentelle,
Où se perdent ses larmes et nos regards distraits,
Étourdis par les fards et les nobles apprêts,
Sous la poussière meurt sa voix qui nous appelle.

Une robe de soie, de bure,
Un costume ou une armure,
Visage peint pour le cliché,
Des masques crient la vérité.
Sous la dentelle rien ne dure,
Le temps répète les murmures.
Une heure, une vie, tu attends,
C'est le rêve des transparents.

Drapée de pudeur feinte, vêtue de doux mensonges,
Elle descend l'escalier et entre dans la rue,
Peuplée de travestis et de stars inconnues,
Elle joint ses faux cils, et la honte la ronge.

Elle ne porte pourtant que la vérité nue,
Armée de ses talons parmi les uniformes,
Sans sourciller la cible, désignée par les normes,
Suicide l'homme en elle, le soldat inconnu..

Avoir honte de soi, impure,
Sous la robe du soir, l'armure,
Visage peint, contre cliché,
Démasquer l'homme, en vérité.
Sous la dentelle rien de dur,
Les cris étouffent les murmures.
Une heure, une vie, tu prétends :
Le cauchemar des transparents.

Du haut de l'escalier, il la regarde fuir,
S'évaporer dans l'ombre douce de l'oubli.
Il lui faudra l'aimer ce que son cœur maudit,
Il faudra pour l'aimer, tuer les souvenirs.

Ses lèvres seront rouges, de fard ou bien de sang,
D'amour ou bien de mort, et l'on prétend le choix,
Quand la vie vous promet des larmes ou des croix,
C'est l'arme à la main que l'on conquiert les ans.

Sans profession de foi, censure,
Tu découvres en toi l'armure,
Visage peint loin des clichés,
Ils te ressemblent, vérité !
Eux ou elles, les êtres durent,
Indifférents à nos murmures.
Une heure, une vie, innocents,
C'est la beauté des transparents.