samedi 24 septembre 2016

L'Anarcisse

 
L'Anarcisse


Ils se sont rencontrés tout au bord d'un ruisseau,
Quand l'onde s'est calmée, ils se sont révélés,
Ils se sont reconnus, jaloux comme deux jumeaux,
Portrait sauvé des eaux, ennemi destiné.

Sous le premier regard déformé par les rires,
Coulait le noir venin des rancœurs oubliées,
Les vérités trop pures des miroirs sont les pires,
Et marquent à jamais les reflets torturés.

Les lacs, les rivières, tant de miroirs brisés,
De coups de poings rageurs, et d'années de malheur,
Mais chaque fois renaît, sur l'eau cicatrisée,
Le visage étranger de ce reflet moqueur.



Soufflant sur l'eau qui dort, et qu'il faut réveiller,
De ce long cauchemar au visage trop lisse,
Une pierre jetée, au miroir lapidé,
Balafre et guérit, pour un temps l'Anarcisse.

La pluie couvre de rides son visage triste,
Un sourire fleurit entre les cicatrices,
La surface du lac, un miroir anarchiste,
Adopte l'orphelin reflet de l'Anarcisse.

Marchant les yeux fermés dans les rues de la ville,
L'Anarcisse s'oublie dans son obscurité.
Les paupières épaisses, et marchant sur un fil,
Il vit dans un silence d'invisibilité.

Derrière deux murs d'ombre, le monde crie son nom,
Sa nuit n'est pas étanche aux peintures fictives,
Son portrait refleurit quand l'oubli devient long,
Au plus profond de lui, le monde l'invective.

Il vit sans son reflet, amoureux de son ombre,
Et les miroirs déjà tapissent ses paupières.
Fuyant le face à face, il multiplie le nombre,
Des ennemis blessés, qui le lient à hier.



Soufflant sur l'eau qui dort, et qu'il faut réveiller,
De ce long cauchemar au visage trop lisse,
Une pierre jetée, au miroir lapidé,
Balafre et guérit, pour un temps l'Anarcisse.

La pluie couvre de rides son visage triste,
Un sourire fleurit entre les cicatrices,
La surface du lac, un miroir anarchiste,
Adopte l'orphelin reflet de l'Anarcisse. 
 
Un jour le rêve meurt et la nuit doit finir.
La vie le transperce de son glaive de verre,
Et quand tombe l'épée, la honte doit mourir,
Car un miroir fleurit devant ses yeux ouverts.

A-t-il vécu longtemps dans ses marais obscurs ?
Le reflet ce matin n'a rien de familier.
Ses lèvres virginales lui chantent des mots purs,
C'est un visage doux, et qu'il veut caresser.

« Laisse-moi devant toi, devenir ton miroir,
Mes yeux ne te voient pas, mais mon amour te peint.
Aime-toi dans mes yeux, crois mes mots pour te voir,
Dans mes yeux mon amour, Narcisse tu deviens. »



Soufflant sur l'eau qui dort, et qu'il faut réveiller,
De ce long cauchemar au visage trop lisse,
Une pierre jetée, au miroir lapidé,
Balafre et guérit, pour un temps l'Anarcisse.

La pluie couvre de rides son visage triste,
Un sourire fleurit entre les cicatrices,
La surface du lac, un miroir anarchiste,
Adopte l'orphelin reflet de l'Anarcisse.