lundi 25 janvier 2010

Café du port: la nouvelle vague

Comme l’aventure est un peu difficile à suivre, je vais gracieusement vous bafouiller en préambule un court historique de ce projet maritime s’il en est qu’est « le café du port »…

Etape 1 : Réception par erreur d’un recueil de chansons appelé «Le café du port », mais qui parlaient en fait de rencontres sur internet… Va savoir, va comprendre…

Etape 2 : Alain me demande d’écrire du théâtre entre les chansons pour rendre le tout plus… théâtral. Je ponds donc quelques scènes en choisissant de donner la parole à deux personnages commentant la rencontre virtuelle depuis le dit café du port.

Etape 3 : On joue le tout plusieurs fois dans cette forme. Constat : comme les gens ont bien du mal à écouter les paroles des chansons, ils ne comprennent pas les subtils parallèles entre les deux univers.

Etape 4 : On décide de réécrire les chansons pour qu’elles collent aux scènes de théâtre écrites.

Etape 5 (à venir) : Alain met en musique mes kilomètres de rime alimentaire

Etape 6 : Je réécris le théâtre pour qu’il colle aux chansons que j’ai écrites sans penser au théâtre

Etape 7 (A venir) : On ajoute un acte flashback sur l’enfance des deux personnages.

Intermède peroxydant : vous saviez u’ils vont faire un remake des « oiseaux » mais qui se passe un an avant ? Ca va s’appeler « les œufs ». Merci Dorothy Doll.

Etape 8 : on joue le tout les 30 avril et 1er mai 2010, en votre présence bien entendu.

En attendant, bonne lecture !

(Les personnages: la serveuse (S) et le marin (M), à lire avec les voix de Arletty et Jean Gabin par exemple, qui ont gracieusement accepté de remonter sur les planches pour notre création).

Scène 1 : Hors saison

La serveuse est de dos à la porte du café, nettoyant des verres, rangeant son bar. La porte s’ouvre et le marin entre.

S (ironique, sans le regarder): Bien le bonjour, Amiral, mes hommages du matin !

M (s’arrête, étonné) : Moi qui pensais pouvoir rentrer incognito… tu me reconnais au bruit ou à l’odeur ? Je suis pourtant presque certain d’avoir pris une douche cette semaine… C’est ma manière virile de fermer la porte qui m’a trahi ?

S (se retournant vers M): Rassure toi, ici ça sent le poisson même quand tu n’es pas là… Mon pari n’était pas trop risqué ! Tu penses que je vois défiler beaucoup de monde en cette saison et à cette heure ci ? C’est la routine qui t’a trahi, Amiral, et rien d’autre!

M (expliquant lentement, avec des gestes): Que veux-tu, j’habite à l’ouest du café. Les vents dominants me poussent vers le bistrot dès que je mets le nez dehors !

S : Alors tu as une excuse. Et avec l’ampleur de ta voilure, tu es une sacrée proie pour les bourrasques !

M (arrive au comptoir) : Te fous pas de moi veux tu ! Un peu de respect pour les clients fidèles. En plein mois de mars, c’est pas les touristes qui vont te faire la conversation. Ou faire remplir ta caisse d’ailleurs…

S : Rassure-toi, je ne vais pas risquer de perdre la moitié de mon chiffre ! Je vous présente mes plus plates excuses mon amiral, il est indiscutable que vous êtes fuselé comme une goélette !

M : Bien, bien, continue !

S : Les compliments c’est comme l’alcool, il vaut mieux te les donner au compte goutte. Sinon ça te monte à la tête … Et puis pour qu’une flatterie fasse de l’effet, il faut qu’elle soit crédible… au moins un peu.

M : Vas y, ouvre le compte goutte, je prends pas le volant. Sers-moi mes éloges du matin ! Et puis il n’y a personne aujourd’hui pour nous entendre, tu peux flatter sans crainte.

S : C’est le moi de mars ! On est hors saison…

M : J’ai du mal à me rappeler la dernière fois qu’on a été en saison. Ce serait donc vrai ce que disent les gens dans les bars, il n’y a plus de saison ?

S : Il y a des basses saisons qui durent longtemps, ça doit être lié au cours de la bourse la durée des saisons! Et puis les gens ne suivent pas la lune, comme la mer ! Ils ne sont pas réglés comme la marée.

M : Ici y’a plus grand-chose de réglé je crois. Le village est trop vieux… (pour lui, presque en réflexion intérieure)On doit être dans un village ménopausé…

S : Voilà, un demi-compliment, et tu divagues. Ca m’apprendra à t’appeler la goélette… Les gens vont revenir. Je sais pas quand. Tu sais quand ils partent, mais tu sais pas où. Tu sais qu’ils vont revenir, tu sais jamais quand. (regardant au fond d’une tasse qu’elle nettoie) Je vais me mettre à lire dans le marc de café…Ici, ces temps ci, le niveau est bas, dans les rues, et dans les caisses aussi !

M : C’est ça de vivre dans un port, tu vois partir les bateaux, et puis tu attends. Comme les vaches qui voient passer les trains, nous on voit passer les jours. Ca use tout ça !… Le sel, le vent, l’attente !

S : Mais t’attends quoi au juste ? Ca sert à rien d’attendre pour attendre !

M : J’en sais rien… C’est trop tôt pour réfléchir… Tu m’as même pas encore servi mon café d’ailleurs. Je peux pas philosopher non caféiné moi. Qu’est-ce que j’attends… Bonne question ! J’attends le retour de ceux qui sont partis, de ce qui est parti…

S : Méfie toi, les gens ne sont jamais les mêmes quand ils reviennent… (Rigolant) T’attends que ça revienne comme avant ? Avec la foule en terrasse, les chansons, les filles en jupettes et en tongs ? Tu penses que ton passé va franchir le pas de cette porte ? C’est bien d’y croire ! T’aurais fait une bonne femme de marin tu sais ! Moi j’espère aussi, t’es pas le seul croyant ici. Ils sont là les gens, on les croise, on les voit chez eux. Mais pas chez nous. Ils sortent moins, ils ont peur du vent… Le bout du monde ça fait peur ! On a pas du leur dire que la terre était ronde…

M : Voilà, on vient des grandes villes, et on fond au premier crachin. De mon temps, on était plus imperméable il me semble.

S : Elevé au beurre salé… Ia pas de secret…

Citoyens du bout du monde

Strophe 1

Dressés contre le vent, parmi d’autres rochers,

Des marins sans gréement dialoguent avec les vagues.

Ils vivent à la frontière d’un grand miroir bleuté

Qui un jour de gros temps a volé leur image.

Ici les confidences éclatent sur les rocs

Les secrets orphelins se cachent sur les docks.

Des souvenirs boiteux s’éloignent sur les flots,

Passagers clandestins sur de maigres radeaux.

Refrain : Voguent sur l’océan les souvenirs fanés

Et volent dans le vent les peines abandonnées.

De grands oiseaux d’argent emportent la mémoire

Et achèvent en riant nos amours illusoires.

Regardez les, ces citoyens du bout du monde

Emplis de vagues bleues, leurs grands yeux fixent l’onde

Saluant un passé qui largue les amarres

Et qu’ils viennent noyer dans la chaleur d’un bar.

Strophe 2

Des citoyens amers peuplent le bout du monde.

Des âmes suppliciées sous le fouet des tempêtes

Attendent en silence que le destin réponde

Aux mélodies qui chantent leurs rêves de conquête.

Des citoyens étanches peuplent le bout du monde.

Les êtres trop fragiles, au gré d’une bourrasque

Ont déserté ces terres où le gris vagabonde,

Quand l’horizon brumeux a fait tomber leur masque.

Refrain

Strophe 3

Ceux qui se posent ici viennent pour s’envoler

Et attendent le vent comme on attend le train.

Ils tiennent par la main des peines et des chagrins

Et des mots griffonnés sur les pages du passé.

Et puis le vent se lève et on dit au revoir

A ces traits familiers qui s’estompent déjà

Dans l’ombre de l’oubli et la pâleur d’un soir,

Et l’on sent que son cœur s’allège à chaque pas.

Scène 2 : La digue, les vagues (le brise larmes)

La serveuse prépare le café du marin, le regard dans le vide, désolée par le calme du village.

S : Regarde un peu cette mer… C’est désolant. De l’huile ! On se croirait dans le midi. Ca n’a pas une gueule de port breton… Des bouts du monde comme ça j’en souhaite à personne.

M (ironique): Tu as raison, avec cette foule, ces palmiers, ces yachts, on se croirait plutôt à Saint-Tropez… Sans parler du climat tropical.

S : Je n’aime pas ce calme, ça me fatigue. Tout ce silence ça m’effraie. Je m’entends même penser…

M : Doux jésus ! Ça doit faire peur en effet. Voilà les plaies causées par le réchauffement climatique !!!

S : Hé oui si les gens triaient leurs déchets je m’entendrais moins penser. Ce que j’aime ici d’habitude, c’est le bruit. Le bruit des vagues, le bruit du vent, même quand il y a pas un chat, il y a du mouvement. Il y a de l’air frais !

M : Ce n’est pas l’air qui manque, et la fraîcheur y’en a en stock. Mais une petite accalmie de temps en temps ça repose aussi. Ca permet d’enlever le sel qu’on a sur les joues, ça permet de se recoiffer !

S : J’aime bien quand il y a du sel ! Quand les embruns fouettent le visage ! Avant les vagues éclaboussaient jusqu’à nos fenêtres tu te souviens ! Qu’est-ce que j’aimais ça ! Mais depuis ils ont mis une digue. On voit les tempêtes de loin… Dommage ! J’adorais rester à mon bar, avec un chocolat, à regarder les vagues s’exploser sur les rochers… J’étais comme un capitaine à la barre !

M : Tu crois vraiment que les capitaines au long cours boivent du chocolat chaud pendant les tempêtes ? Crois moi si tu avais été à la barre par gros temps, tu serais bien heureuse qu’on ait cette digue maintenant.

S : Je sais pas. C’est comme ça que j’aime vivre je crois, par gros temps ! Dans les extrêmes, les vagues, les creux, j’aime avoir le cœur secoué. Je suis une fille de l’extrême en fait. Le calme me donne la nausée. J’ai l’impression d’étouffer quand le vent tombe.

M : J’ai connu le gros temps, l’ivresse du grand large, l’ivresse du grand amour!

S : L’ivresse du whisky…

M : Ne sois pas triviale… Ces moments où tout est démonté, où tu ne sais plus où est la mer et où est le ciel.

S : Ni où est ta maison…

M : Tu persistes dans la trivialité, c’est de très mauvais goût ! Je me sentais vivant c’est vrai, mais je me demandais surtout combien de temps j’allais le rester ! Je ne suis pas mécontent d’avoir le sol sous mes pieds aujourd’hui. Même si j’ai le temps de voir pousser les menhirs !

S : Ils vont bientôt fleurir ! Mais tu avais choisi de partir aussi un jour. Tu as cédé à la tentation de l’aventure. Les excès, les peurs, tu les as cherchés aussi. Tu as eu besoin un jour de te jeter dans le vide.

M : Je crois m’en souvenir… Oui, oui bien sûr j’ai été jeune ! Comme tout le monde.

S : Moi jamais. Ou pas encore, ou pas assez. Tu vois ce bar ? C’est un peu comme une digue pour moi. Je suis endiguée, voilà mon drame !

M : J’ai des contacts au Mont St-Michel, si tu veux je peux te faire désensabler…

S : Toujours tes âneries pour éviter les discussions sérieuses… Je commence à te connaître. Je comprends que tu aies jeté l’ancre. Ce n’est pas facile de se jeter à l’eau perpétuellement. Surtout quand on a essuyé quelques grains. C’est plus facile de rester au sec avec son café.

M : J’avais des rêves de conquête, de grande aventure, et les vagues m’ont jeté sur le sable comme un vieux bout de bois… Depuis j’y réfléchis à deux fois avant d’y retourner. Tu apprécierais ta digue si tu avais vécu ça !

S : Tu sais j’ai connu l’ivresse du large aussi, une fois. Et j’ai fait un sacré naufrage, j’y ai laissé des plumes. J’en parle pas trop, ça se fait pas. Et puis je préfère écouter les gens. Mais c’est depuis cette tempête, je pense plus qu’à une chose, y retourner. J’ai eu très peur, j’avais tout parié et j’ai tout perdu ! Mais jamais je ne me suis senti si vivante.

M : Alors c’est encore plus grave que je pensais !

S : Je ne pensais pas être capable de te surprendre encore !

M : Non, en fait, je t’admire. Parfois j’aimerais avoir gardé cette énergie, cette folie, cette capacité tellement féminine de faire totalement abstraction du sens commun… J’aurais aimé que le sel ne rouille pas certains mécanismes.

S : Moi je suis inoxydable. Et j’attends toujours derrière mon bar, derrière ma digue ! J’attends que les vagues qui secouent la salle de mon café m’éclaboussent un peu ! Et alors je suis heureuse. Je suis jeune ! J’ai seize ans !

M : Une grande exploratrice, alors ! Hé bien larguez les amarres, naviguez moussaillon ! A l’abordage !

S : Du calme amiral. Je suis ouverte à l’aventure, pas à la piraterie.

M : Entre les pirates et les aventuriers, il n’y a pas beaucoup de différence. Ce sont des conquérants, des solitaires ! Après, ce n’est qu’une affaire de style !


Prendre l’air, prendre le large

Strophe 1 :

Quand le noir de la nuit laisse des jours trop gris,

Quand la brume sévit en plein cœur de nos vies

Quand les hommes ont laissé derrière eux un désert,

J’abaisse lentement sur mes yeux mes paupières.

Alors sur ce rideau s’animent mes pinceaux

Et dans l’obscurité naissent des chants d’oiseaux.

Je peins des univers, je peins des aventures,

Des sylphides d’ébène cueillant des fleurs d’azur.

Refrain :

Lorsque les yeux se ferment sur nos vies glacées

S’ouvrent les portes d’or d’un monde à inventer.

Sur des vaisseaux d’argent nous traversons les nues

Et pénétrons tremblants des rades inconnues.

Nous récoltons alors dans ces contrées lointaines

Les couleurs délicieuses de terres incertaines.

Loin du gris de nos murs, les âmes autour du monde

S’ébattent dans les eaux des lagunes profondes.

Strophe 2 :

Les pieds nus sur les dunes, allongé sur le dos,

Mes mains frôlant le sable dessinent des anges.

Et j’envoie mon esprit trouver ces cieux étranges

Où courent des images tirées par des chevaux.

Dans mon rêve nacré, je sculpte des chimères

Et sous mes doigts renaissent des courbes familières.

Parmi les oiseaux bleus des amis disparus

Dorment dans la tiédeur de mes visions émues.

Refrain

Strophe 3 :

Je sens en moi pousser des ailes bariolées

Et je regarde en bas, si loin de mes pensées

S’évanouir la trace, sublime et misérable

Du monde que j’avais dessiné sur le sable

Quand j’accoste hagard les rives du réel

Il me semble qu’enfin le monde se révèle

Je reviens éclairé d’un fabuleux voyage,

Des beautés exotiques emplissant mes bagages.


Scène 3 : Les grands explorateurs

Monologue du marin

Le marin est à sa table avec son café, la serveuse est occupée à autre chose. Il regarde la mer par la fenêtre.

M : C’est toujours tentant de se prendre pour un grand explorateur… Moi aussi j’explore, depuis ma fenêtre ! « Explorateur Windows » ! C’est moi ! Enfin je suis pas le premier à avoir posé mon cul ici pour regarder l’horizon. Même si doit y avoir mon empreinte sur la chaise maintenant (il regarde)… Non ça va, je peux rester encore quelques jours.

Toujours on rêve d’ailleurs, on rêve de nouveau… Mais pourquoi du nouveau. Par principe ? Balivernes ! Ca sert à rien ! « La nouveauté c’est vieux comme le monde » disait Prévert ! Ils sont pas bien ici, tous ces explorateurs ?

(pause)

Pourquoi ce serait mieux là bas ? Toujours partir, découvrir plus, découvrir mieux, juste « autre chose »… qui se trouve forcément derrière la barrière de l’horizon. Billevesées ! C’est le principe des barrières ! Inciter les hommes à les sauter pour savoir ce qu’il y a de l’autre côté. C’est pire que le chant des sirènes. Rien de tel qu’une barrière pour faire avancer un âne !

Ils ne savent même pas ce qui les attend là bas… Peu leur importe, ils embarquent ! C’est ça qui leur plait, l’inconnu ! Aussi bien ils seront accueillis pas une femme-pieuvre avec des ventouses au fesse, ils ne savent pas… Au moins quand ils rêvent d’ailleurs, tout reste possible. Ces terres sont vierges ! Vierges de désillusions en tous cas. Alors on prend l’air, on prend le large…

(Pause)

Et puis un jour on se retourne et on pense à ceux qu’on a laissés sur le quai. Ceux qu’on a laissé partir dans une bourrasque. Alors ça vous coupe les ailes. Qu’ils se méfient ces Icares ! On se sent un peu con après, et je modère mon langage. Tout seul au café du port sans bateau et sans ailes !

Il y a tellement à découvrir sur le pas de sa porte ! On vivrait sur une mine d’or, sans même s’en rendre compte ! On préfère aller piquer dans la poubelle du voisin plutôt que de creuser sous ses pieds.

Faut creuser un peu pour voir la mine d’or, c’est sûr, y a un investissement d’huile de coude ! Et comme c’est ingrat de creuser, on préfère s’envoler, avec panache, et aller butiner sous les tropiques! Ca vire Cigale et fourmi mon délire…

(pause)

Et puis dans le fond, cherchent-ils vraiment quelque chose tous ces explorateurs ? (En confidence au public) Je crois bien qu’ils s’enfuient… Ils n’ont pas vraiment envie d’arriver. Juste de partir. Seuls en mer, toujours en partance, vers on ne sait où, c’est là qu’ils sont heureux ! Qu’ils se sentent moins seuls en tous cas, nuance ! On est jamais plus seul que dans une foule, jamais. Sur le bateau, ils sont seuls, mais il n’y a personne pour leur faire remarquer !

Et puis on ne sait jamais, peut être que la fille sur la plage d’en face aura forme humaine ! Peut être qu’elle sera vraiment vierge de désillusions… cette île !


Le silence des sirènes (concerto pour une voix)

Strophe 1 :

Sur un bout d’île nue au cœur de l’océan

Scintille doucement une femme d’argent

Le temps semble glisser le long de ses écailles

Et des colliers nacrés dansent autour de sa taille

Elle a pour seul habit sa blondeur ingénue

Et les perles qui coulent sur sa poitrine nue.

Autour d’elle dans l’eau glissent des rubans roses

Ils montent des épaves où ses amours reposent.

Refrain :

La sirène porte en son cœur

Des équipages naufragés

Des amoureux ensorcelés

Qui dorment dans les profondeurs.

Elle protège ses prétendants

En étouffant son chant d’amour

Mais sur les flots assourdissants

Qui entendra ses sanglots lourds ?

Silencieuse sur son rocher

Elle abandonne ses préludes,

Et regarde la solitude

Se déposer sur sa beauté.

Strophe 2 :

La triste naufragée garde ses lèvres closes,

Et cache sa beauté dans des heures muettes.

Songeant à tous les pleurs dont elle fut la cause

Elle ne chantera plus pour calmer les tempêtes.

Son beau reflet se perd dans les déserts marins,

Et son regard pensif semble chercher en vain

L’amour à la dérive sur un radeau de bois,

Celui qui l’aimera sans entendre sa voix.

Refrain

Tressant ses cheveux blonds et ses chagrins immenses,

La sirène se noie dans un profond silence.

Elle compte les navires submergés par ses larmes,

Les marins engloutis par de vagues vacarmes.

Mais un jour elle aussi, elle entendra des voix,

Un homme chantera des refrains enjôleurs.

Contre vents et marées, nageant vers le bonheur,

Elle oubliera ses peurs et le retrouvera.


Scène 4 : La spectatrice

Monologue de la serveuse

Le marin s’est assis plus loin et boit son café. La serveuse réagit à la chanson qu’elle a écoutée. Elle confie ses impressions au public

S : Moi aussi je préfère me taire… mais pas pour les mêmes raisons. L’office du tourisme m’a interdit de chanter. Rapport à l’ensoleillement annuel parait-il… Alors je garde ma musique dans ma tête, où il fait plutôt beau, en général !

Ici c’est un pays à mélodie de toute façon. On dit que c’est minéral, que c’est froid, et même que c’est mort parfois. Moi je ne trouve pas. Bien sûr, le granit n’est pas très bavard, mais ça fait chanter le vent, un peu comme un violon. Et puis quand les vagues se brisent dessus on a les cymbales aussi ! Et les mâts des bateaux sonnent comme des clochettes. Finalement tout est doux ici, tout se mêle ! On a du sel dans l’air, des bulles dans l’eau, des algues dans les prairies…

Le matin, quand j’arrive, la brume diffuse les lumières du port, elle les mélange à la nuit comme le lait au café. C’est tout nacré comme dans un coquillage.

C’est jamais très vivant ici. C’est pas la ville, c’est pas Harlem ! Mais c’est jamais complètement mort non plus. Un port ça respire toujours.

Mais moi je reste au chaud. J’aurais bien aimé prendre part à tout ça, être artiste par exemple ! Peindre le monde ou raconter ce que j’entends ici… Etre au cœur de l’action, être actrice ! Mais je suis seulement spectatrice.

Les gens entrent, les gens sortent, ça fait comme des petits écrans qui s’allument et qui s’éteignent des rideaux qui se lèvent ! Et ils me jouent une petite scène que je fais semblant de pas entendre… Pas besoin de zapper je vois de tout ! Alors je voyage comme ça, au chaud dans mon café en écoutant les marins (ou les moins marins, parcequ’il y en a qui ont soif sans avoir navigué). Ils parlent d’îles merveilleuses qu’ils ont visitées au gré d’un voyage ou d’une soirée arrosée… C’est toujours des jolis noms mais je les retiens pas… J’aime mieux les inventer, ça fait encore plus exotique !

Remarquez la plupart du temps ils parlent de leur expédition au café d’en face. Pour sûr c’est exotique, vous verriez le troquet, tout blanc, tout lisse, avec des lumières bleues, et ça clignote…

En plus c’est bien connu les marins ne résistent pas au chant des sirènes ! Et pour les sirènes, c’est plutôt en face !… Moi quand je chantais, j’accrochais mon copain pour qu’il se sauve pas! Ca n’a pas vraiment marché… j’ai pas trouvé de liens assez solides… Ca m’apprendra à acheter des cordes au rabais. Je me mettrai à la colle la prochaine fois !

Alors je prends ce que la marée m’offre ! Ou ce qu’elle rejette, c’est selon le point de vue… On ne sait jamais ce qui va arriver à la prochaine marée ! Vous verriez ce que je ramasse des fois ! Tiens, encore un amiral (regardant le marin qui boit son café), mais demain ce sera peut être un baril de lessive et une paire d’espadrille ! Ou un équipage ukrainien en permission ! (rêveuse) Ahhh j’ai eu ça les ukrainiens, ils ont des beaux pompons les ukrainiens! Et ils les portent bien…

C’est toujours rassurant de se dire que tout peut arriver demain. Qu’il suffit de laisser passer le temps pour qu’une grande aventure arrive… De se laisser porter par les vagues pour faire de grands voyages. Alors je fais la planche ! Je flotte ! J’essaie de ne pas trop boire la tasse… Ca il y en a qui s’en chargent pour moi (pointant vers l’amiral).

Je vais peut être faire un peu semblant de me noyer pour attirer les sauveteurs en shorts rouges… Et en attendant, je barbote dans l’écume des jours !


L’écume des jours

Strophe 1 :

Les jours sont parfois lisses, mornes et sans éclat,

Et sur ces jours trop plats, nos bateaux sont figés.

Les jours de mortes eaux, la vie est pétrifiée

Et sur ces lourds marais, nous flottons sans émoi.

Avec pour seul moteur nos vieilles habitudes,

On traverse le temps comme un désert aride.

Nos prières réclament quelques journées plus rudes

Qui sont autant d’excuses à nos premières rides.

Refrain :

Des jours lisses et bleutés, des jours gris et ridés,

Déferlent sur la plage avant d’y expirer

Et le temps écumant érode sans faiblir

Les rivages fragiles de nos souvenirs.

Une lame de fond vient faucher les jeunesses

Volant dans son reflux des plages d’allégresse.

Mais l’écume des jours est le trésor des sages

Son éternel retour fait la beauté de l’âge.

Strophe 2 :

Les jours sont parfois noirs, fougueux et menaçants,

Et la vie démontée s’élève en vagues sombres,

Des montagnes opaques de soucis rugissants

S’écroulent en fracas et répandent leurs ombres.

Des figures inquiétantes naissent dans les eaux fortes,

Et leur regard troublant transperce la mer d’encre

On fait dans la tempête serment de jeter l’ancre

De quitter à jamais l’océan qui avorte.

Refrain

Strophe 3 :

Les jours sont parfois bleus, translucides et joyeux,

Alors le temps s’emplit de rires et de jeux.

Les grandes vagues blanches en caressant le ciel

Apportent le soleil jusqu’entre nos orteils.

Alors que les embruns et les oiseaux rieurs

Jouent avec les rayons doux et ambrés du soir,

Nous écoutons les chants qui nous invitent à boire

Dans l’écume des jours les bulles du bonheur


Scène 5 : Une bouteille à la mer …

Fin d’après-midi au café, lumière chaude, ambiance cosy

M : On en aura vu passer des jours ! Et des vagues aussi… Et qu’est-ce qu’il en reste de toutes ces vagues ?

S (à la fenêtre) : C’est vrai, regarde la plage à cette heure-ci. Quand le soleil est assez bas, elle se met à scintiller. D’ici c’est vraiment merveilleux. Mais quand on s’approche, on se rend compte que c’est surtout le verre cassé qui scintille… C’est moins poétique.

M : C’est ta découverte du jour ? J’essayais d’être un peu sérieux pour une fois, raté !…. Et c’est quoi le lien avec les vagues, avec le temps qui passe ?

S : Laisse-moi finir ! Parfois quand je longe la plage je me demande d’où viennent toutes ces bouteilles cassées. Peut être que dans certaines il y avait un message, voilà ce qu’il reste des vagues ! Voilà comment une vague peut changer une vie!

M : En tous cas je peux te dire qu’il y avait un message sur l’étiquette, et selon la bouteille je peux même te dire à peu près lequel !

S : Merci, mais j’en ai une belle collection derrière moi. Je lirai quand j’aurai un moment. Non je veux dire il y avait peut être quelque chose d’important dans ces bouteilles !

M : Oui du Rhum par exemple…

S : T’es pas très coopérant ce soir !

M : Ahhh non ! Je suis résistant par nature !

S : Je t’ai demandé de coopérer, pas de collaborer. Bref je trouve amusant de penser que ces morceaux de verre cassés portaient un message du bout du monde. Mais les gens se posent pas la question… Dès que ça brille un peu, ils se soucient pas du contenu…

M : Ah non c’est pas vr…

S (l’interrompant): Je ne parlais pas pour toi, je sais que tu t’en occupes sérieusement du contenu… (regarde son verre vide) d’ailleurs tu lui as déjà réglé son compte à ce contenu là… Faut suivre avec toi ! (remplit à nouveau le verre de M)

M : Tu es hautement complice dans l’altération de ma lucidité…

S : Je plaide coupable en effet !

M : Enfin… malgré tes méfaits j’ai bien compris ton histoire de bouteilles. Tu sais les gens sont comme les mouettes…

S (l’interrompant à nouveau): Ca commence bien ! Lucidité bien altérée on dirait.

M : Chuuut ! Dès qu’ils voient un truc qui brille, un truc qui clignote, un bel emballage, ils s’abattent dessus sans se demander ce qu’il y a dedans, comme la petite vérole sur le bas clergé. Je pense que quand on jette une bouteille à la mer, faut surtout bien choisir la bouteille… Une qui brille. Et qui flotte aussi c’est mieux.

S (se moquant): Quelle fin stratège ! On n’est pas amiral pour rien je vois ! Bon je vais aller trouver une belle bouteille, bien la fermer pour qu’elle flotte, et hop, à coup sûr je vais être contactée par une mouette ou par un goéland !

M (la regardant dubitatif, un peu désabusé): On est peut être pas serveuse pour rien non plus… C’est une METAPHORE ! Fais un effort ! Bien sûr il faut un beau message dans la bouteille si tu veux qu’on te réponde! Mais t’as intérêt à pas choisir n’importe laquelle si tu veux que Brad Pitt la ramasse en marchant sur la plage ! (Ironique) Et faut écrire gros sur le message, parceque les goélands voient pas très clair je crois. Et puis vu comme tu es bavarde, choisis un magnum…

S : Message reçu mon amiral ! Il parait que ça marche parfois ces trucs. C’est pas juste bon à faire rêver les serveuses. Des fois on lance au hasard, et on tombe juste !

M : T’as bien raison d’y croire ma jolie. A chaque pot son couvercle ! Santé !


Naufragés

Strophe 1:

Vêtus de vieux haillons usés par les voyages

Les mains et pieds palmés par tant de longues nages,

Ils sont tombés à l’eau, en pêchant la naïade.

Et assis sur leur poutre, ils partent en ballade.

Leurs yeux cherchent la terre dont ils ont tant rêvé,

Sentir enfin l’extase d’un sol sous leurs pieds.

Mais faute de palmier ils rêvent de croiser

Au détour d’un typhon un radeau allié.

Refrain :

Flottant sur un destin précaire,

Lançant dans le vent leurs prières

Ils n’ont que des oiseaux moqueurs

Pour partager ces longues heures.

Sur leur poutre, bien accrochés

Ils espèrent rencontrer

Sur la poutre d’à côté

Un camarade aux pieds palmés

Un partenaire pour danser

La valse des naufragés.

Strophe 2 :

Soudain surgit des brumes l’esquisse d’un gréement.

D’un filet déchiré on se fait un lasso,

On passe à l’abordage puis au débarquement

Avec pour étendard un t-shirt en lambeaux.

Beauté en perdition, que vos chagrins s’épanchent !

M’accordez-vous l’honneur de monter sur vos planches ?

Ensemble sur la scène de ce théâtre en vogue

Nous nous dirons tremblants de fervents dialogues.

Strophe 3 :

Rêvant main dans la main de promenades au phare,

Ils parcourent sereins le chemin du hasard

Je suis le mât, tu es la voile, où est le mal ?

Auprès de toi cette dérive est un régal.

Deux poutres amarrées font un catamaran,

Ainsi nos naufragés, deviennent conquérants.

Deux poutres amarrées voguent à l’unisson

Se moquant des requins, du vent et des typhons.

Scène 6 : Aux frontières du réel

Le marin taquine la serveuse, la trouvant un peu mièvre, loin des réalités. Peu à peu, la serveuse le convainc de la rationalité de son raisonnement.

M : Mais dis moi, si on y répondait vraiment, à ta bouteille, qu’est-ce que tu ferais?

S : Faudrait voir la réponse… Quand j’envoie des SOS, je veux pas être sauvée par n’importe qui non plus ! Mieux vaut barboter seule des fois…

M : Pas folle, la guêpe ! Mais comment tu pourrais savoir si c’est le bon sauveteur ? S’il t’a griffonné trois mots sur un bout de papier … Tu serais bien avancée !

S : J’imagine que si mon sauveteur est un peu sensé (et c’est une condition nécessaire, l’esprit. Et les pectoraux d’acier aussi mais ça, ça va avec le short rouge), il aura laissé une adresse sur le bout de papier. Alors nous pourrons nous écrire vois-tu! Enfin j’espère, parce que les bouteilles c’est sympa un moment, mais je me vois pas aller jeter ma bouteille à la mer tous les matin, et le soir arpenter la plage pour trouver la réponse ! C’est pas écolo. Et pas très discret non plus, n’importe qui pourrait lire nos lettres enflammées…

M : Bien, soit, admettons, le chevalier a un cerveau, et il a laissé une adresse. Et vous correspondez. Tu crois vraiment qu’on peut connaître quelqu’un juste avec des lettres ?

S : J’imagine. Au moins un peu… C’est mieux que rien non ?

M :T’es même pas sûre que c’est lui qui a écrit, il est peut être analphabète, cleptomane ou ingénieur… SI ça se trouve il n’a même pas de short rouge. Et il peut écrire tout ce que tu as envie de lire sans en penser un mot !

S : Oui peut être… mais au moins ça montrera qu’il a envie de me rencontrer ! Si je tombe sur un homme qui me dit ce que je veux entendre j’aurai déjà beaucoup plus de chance que par le passé!

M : Oui mais les hommes qui citent Julio Iglesias à longueur de journée, ça se fait rare. Et puis la convention de Genève ne le permet pas.

S : Tu as toujours ton poster dédicacé de Mireille Mathieu au fait ?

M : Quel coup bas ! Revenons à nos moutons veux tu ? Qui te dit qu’il n’est pas un sombre stratège, un manipulateur manichéen, un vicieux Vicomte, un Valmont volage ? Et alors là, alerte à Malibu !

S : Et qui te dit que ça me plait pas les liaisons dangereuses ? La bibliothèque rose tu sais, j’ai passé l’âge ! Et puis la collection Arlequin j’en suis revenue aussi. C’est pas parcequ’on rêve qu’on est née de la dernière pluie !

M : Si tu le dis ! Mais je pense que tu l’as trop rêvé ton sauveteur. Tu ne pourras jamais vraiment le voir comme il est. Tes liaisons dangereuses, c’est un grand bal masqué, c’est tout. C’est la grande Illusion ! Conséquemment…

S (l’interrompant): C’est une belle…

M (l’interrompant à son tour, s’emportant) : Ne m’interromps JAMAIS quand je commence une phrase par « conséquemment »… (menaçant) ou méfie toi des conséquences

S : Je tâcherai de m’en souvenir. Je disais donc, au péril de mes jours, que c’est une belle énergie, l’illusion. Et puis quand on rencontre quelqu’un, même à fleur de peau, du bout des doigts ça reste enrichissant. Si ça colle pas, je mettrai mes rêves à jour, c’est tout ! En outre…

M (l’interrompant) : Arrête un peu…

S (l’interrompant) : Hé, ho ! Ne m’interromps jamais quand je commence une phrase par « en outre »… Ou alors gare aux… aux outrages, voilà !

M : Heureusement, c’est un cas de figure qui reste exceptionnel…


Vers la surface (les magiciens osent)

Strophe 1 :

Comme de lourds chevaux dans les champs infertiles

Tirant dans le sol froid des machines rouillées,

Ils tirent vers la surface des rêves inutiles

Venus des profondeurs de leurs nuits éclairées.

Ils portent au fond d’eux d’infaillibles œillères

Cachant à leur regard la folie de leur quête.

Privés de la vision de nos tristes frontières,

Ils tirent obstinés sans relever la tête.

Refrain :

Ils étaient des enfants

Aux rêves envahissants,

Ils sont des musiciens

Ils sont des magiciens

Danseurs surréalistes,

Peintres récidivistes.

Frappés par la conscience

Que la vie est une chance

Que peut être demain

Cette vie prendra fin.

Ils se sont inventé

Leur propre liberté,

Ils ont choisi pour cible

Des défis impossibles.

Quand les magiciens osent,

Ils voient la vie en rose.

Strophe 2 :

Des cerfs-volants sauvages accrochés au poignet,

Ils font sur le chemin des marches triomphales

A leurs champs de batailles, on ignore la trêve,

Nuit et jour ils chevauchent leurs indomptables rêves.

Bien sûr à leurs mollets, au ras des pâquerettes,

Des ronces acérées s’agrippent à leurs chaussettes,

Qu’importent les attaques de ces basses armées,

Leur esprit flotte loin au dessus de leurs pieds.

Refrain

Strophe 3 :

Ils ont pour seul donjon une bulle fragile,

Un monde suspendu aux reflets irisés

Qui change les couleurs de la réalité

Et qui danse sous les lumières de la ville.

Ingénus innocents, pendus à leurs baudruches,

Ils se font besogneux pour bâtir une ruche,

On les croit vaporeux, hagards et dispersés,

Mais jamais sur la barre leur main n’aura tremblé.


Scène 7 : D’un monde à l’autre

S (songeuse) : Mais dis moi, tu crois que ce serait très différent, si je le croisais ici mon Apollon ? Qu’est-ce qu’on sait vraiment des gens quand on les rencontre ? Ils nous racontent ce qu’ils veulent dans la vraie vie aussi ! D’accord on voit s’ils ont des beaux yeux… mais tu sais, même après 20 ans de mariage, on peut avoir des surprises, tu vivras jamais dans la tête d’un autre mon bonhomme !

M : Non c’est vrai. Pourquoi tu vas prendre des risques en plus alors, si c’est déjà tellement compliqué comme ça.

S : Justement, ça ne peut pas vraiment être plus compliqué. Une rencontre c’est toujours l’inconnu. La seule chose qu’il faut savoir finalement, c’est qu’on ne sait pas grand chose ! Alors je préfère être joueuse !

M : Tu marques un point…

S : Oui, il y a toujours un risque, il a toujours un doute. Mais il y a aussi toujours une chance. C’est ça qu’est beau !

M : Toutes ces discussions pour conclure qu’on est jamais sûr de rien… encore une journée productive !

S : Voilà comment on passe l’hiver au café du port.

M : Demain promis on change le monde. (Après réflexion) Tu sais pourtant, des fois je sens qu’il y a des certitudes, des vérités, des choses comme ça qu’on explique pas mais dont on est certain.

S : Comme le fait que cette bouteille soit déjà vide par exemple ? C’est aussi certain qu’inexplicable !

M : (solennel) Un jour je t’expliquerai… (normal) Non mais tu sais, des fois tu rencontres quelqu’un que tu as l’impression de connaître depuis longtemps, quelqu’un avec qui tout est simple, quelqu’un en qui tu as instinctivement confiance…

S : Comme les fins de soirée au café !! Tu n’as que des meilleurs amis après deux bouteilles !

M : Non ça c’est parce que je le vaux bien. Tu n’oserais pas dire le contraire. Je veux parler des gens qui parlent ton langage, des gens qui ne portent pas de masque, des gens qu’on reconnaît à travers les âges, à travers les années…Ces gens qui dégagent un parfum de vérité

S : Ou un parfum d’ébriété…

M : (Vérifie son haleine) Au fait Marylou, tu sais que j’ai un short rouge ?

S : (Choquée) Je ne veux pas le savoir ! (attendrie) Tu es vraiment incorrigible…


Les inconnus

Strophe 1 :

S’agitant sur les rives où s’échouent nos destins,

Voici les inconnus, ces sauvages troublants,

Ces indigènes nus qui sur notre chemin

Sont des pierres vivantes, des pavés insolents.

Ces êtres fascinants, nous les nommons les autres,

Et au premier verdict, ils sont mauvais apôtres.

Leurs voix viennent à nous emplies de mots étranges

Et c’est à peine si quelques regards s’échangent.

Refrain

Derrière les visages,

Sous le maquillage,

Il est des images,

Comme des rivages

Qui ne changent pas,

Qu’on ne quitte pas.

Pas besoin de preuve,

Ils sont évidence,

Ils sont à l’épreuve

De nos renaissances.

Les enfants cachés

Sous les traits ridés

Dorment dans nos yeux

Trop secs et trop vieux.

Strophe 2 :

Chacun a dans sa tête un grenier poussiéreux,

Où sont entreposées de vieilles vérités.

Un butin familier de souvenirs douteux

Dort au chaud dans l’alcôve des esprits mansardés.

On parcourt les années, ce grenier dans la tête,

Et perçoit le monde à travers ses fenêtres.

Sur les carreaux souillés, les traces du passé

Déforment les images de la réalité.

Strophe 3 :

Et l’enfant que j’étais, moi le Narcisse vain,

Dirait-il que je l’ai laissé sur le chemin ?

Mon miroir éborgné par tant d’années coupables

Verra-t-il sous mes traits mon passé adorable ?

De ses audaces, de ses peurs, de ses chimères

Dans le miroir brumeux je ne distingue rien.

Mais parfois je déchire mes masques anodins,

Alors j’entends chanter l’enfant que j’ai fait taire.

Voilà, et après il y a une fée qui descend d'une grosse bulle magique, et tout le monde retourne en enfance et va cueillir des arc-en-ciel chez les télétubbies. Mais ça c'est l'acte 2. Patience.