vendredi 30 décembre 2016

La cinquième saison

La cinquième saison


Qui n'a jamais rêvé de ces heures incongrues,
S'étirant enlacées, plus loin que la raison,
En regardant le ciel, le corps et l'âme nus,
Faire ce pas de plus, au delà des saisons.

Lorsque l'hiver finit que tarde sa relève,
Quand l'aube ne vient plus, que le vent est tombé,
Lorsque l'horloge fond, et la vie est en trêve,
La cinquième saison peut enfin commencer.

Oubliez en chemin les mondes fantasmés,
Ici ciel et terre, sont mélangés,
Dieux et hommes, aux sangs mêlés,
Ont appris à saigner.
Vous, désarmés,
Entrez.

Ce monde inconnu, pourtant si familier,
Tapissé de visages érodés par l'oubli,
Où les arbres sous terre fleurissent à six pieds,
Dormait au fond de toi, et depuis tant de nuits.

Loin des longs horizons et des boucles bouclées,
Sous le joug impérieux d'Alices tyranniques,
Des enfants insolents rient des années usées,
Qui servent de monnaie aux hommes amnésiques.

Chez toi la liberté est jetée en pâture,
Ici vénérée, une dictature,
La liberté, jusqu'à l'usure,
Hors du temps, hors des murs,
La mort si pure,
Endure.

Le diktat ennuyeux des jours et des saisons,
A peint tes yeux de bleu, de rose écœurants,
Ici tu ne vois rien, le vide est ta maison,
Mais c'est bien toi qui peints, sur les yeux des vivants.

Un jours tu vis au ciel, et c'est la Terre qui pleut,
Une pluie de prières tombe sur les esprits.
Mais même après la vie, mes morts ne sont pas Dieux,
Et les âmes lassées ouvrent leurs parapluies.

Tu as trop attendu la cinquième saison,
Les quatre premières demandent pardon.
Et l'on se plaint à l'unisson,
Pour mourir seul et con,
Toi, rêve abscons,
Réponds !

Les arrogants suprêmes, les rois en foule dense,
Ont vendu leurs croyances et leur virginité,
Pour l'idée d'une grâce, pour la dernière danse,
Pour la postérité se sont prostitués.

Les peuples éphémères ont la mémoire sale,
Et leur éternité rétrécit en machine,
Toujours insatisfaits, et leur sang rose pâle,
Couvre des épitaphes gravés dans le platine.

Coulent les jours, les nuits et coulent les années,
Sur les cœurs fiévreux, sur les corps blessés,
Tu la verras, les yeux fermés,
La saison oubliée.
Âmes trompées,
Entrez !

dimanche 4 décembre 2016

Chants de lumière

Chants de lumière


Matin
Ces quelques notes rares, perlant sur l'horizon,
Ces quelques mots d'espoir dans un lent oraison,
Écrits en clé de songe sur d'autres partitions,
Chantent après la nuit, une ode à la raison.

Quand l'ombre s'évapore, au matin bouillonnant,
Les draps aussi s'envolent sur les corps des amants,
La main chaude se glisse, main du soleil levant,
Entre les peaux trop lisses et trop froides du temps.

Nous marchons les pieds nus sur ces champs de lumière,
Les yeux fermés encore, explorant la poussière,
Nos doigts fous nous devancent, et courent sur la pierre,
La rosée du matin sur le marbre d'hier.

Midi
Les inhumains ont beau planter les pierres tombales,
La lumière fleurit dans nos plaies abyssales,
Le soleil du midi sans fin emplit nos Graals,
Et ses chants triomphants couvrent les fleurs du mal.

Ces mélodies dorée mêlent à la tempête,
Le jaune le violet, nos deuils et jours de fête,
L'été soudain s'enflamme, et il pleut dans nos têtes,
Mais quand cesse l'orage, la vie même s'arrête.

Sur les champs de blé jaune, les chants de fauves faunes,
Peignent en couleurs chaudes les promesses aphones,
D'un été illettré aux passions homophones,
D'un soleil fatigué à l'aube de l'automne.

Soir
Au blêmes joues du jour, les larmes d'ombre coulent,
Les chants d'adieux s'étirent, les souvenirs s'éboulent,
Les mois d'ambre s'annoncent, et les amants se saoulent,
Au vin chaud des promesses, qui lentement s'écroulent.

Les symphonies s'apaisent au lit d'un feu mourant,
Les histoires se tissent, on les brode d'argent,
Les ritournelles naissent, au son triste du vent,
Les idylles s'endorment sur leurs anciens serments.

Et pourtant au dehors, des violons telluriques,
Jaillissent laves rouges, bruns et ocres épiques,
Les jours froids, les jours morts, ont aussi leur musique,
Leurs mélodies se perdent dans la nuit métallique.

Nuit.
Dans un calme glacial, perçant l'hiver blafard,
Le chant d'une sirène, la lumière d'un phare,
Les peines qu'on oublie, les rêves qu'on répare,
Musique de la nuit, lumière dans le noir.

Les yeux couverts de glace nous traversons l'hiver,
Dehors si le temps passe, nous revivons hier,
Entre nous et le froid, quelques barreaux de fer,
Contre la mort, l'oubli, n'ont jamais rien pu faire.

Les chants désespérés, mélodies en prison,
Où les passions se meurent, où meurent les saisons,
Sont des chants de lumières, attendant la moisson,
Quelques notes trop rares, perlant sur l'horizon.