Dans la dentelle...
jeudi 10 décembre 2015
lundi 23 novembre 2015
Blesse you
Blesse
You
La
passion meurt sous un ciel lourd,
Deux
combattants aveugles et sourds,
Foncent
sans peur, l'un contre l'autre,
Sous les
yeux de mauvais apôtres.
Quand
les soldats s'interpénètrent,
Hémorragie
d'amour peut être,
Les
sentiments s'écoulent,
Le
bateau coule,
Saoul.
You
bless me, I blesse you,
Les
stigmates de l'amour fou,
Quand
la démence nous caresse,
Tu
me bénis et je te blesse.
You
bless me, I blesse you,
Les
mots perdus détruisent tout,
Lèvres
de fer sur peau épaisse,
Le
cœur embrasse, la bouche blesse.
Moi qui
t'aime à l'arme blanche,
La
source de tes larmes blanches,
Mes mots
s'enroulent à ton cou,
Collier
d'esclave, mortel bijou.
T'arrachant
souffles et paroles,
Je
t'évapore comme l'alcool.
Tu meurs
sous mes prières,
Mes mots
de fer,
Fiers.
You
bless me, I blesse you,
Les
stigmates de l'amour fou,
Quand
la démence nous caresse,
Tu
me bénis et je te blesse.
You
bless me, I blesse you,
Les
mots perdus détruisent tout,
Lèvres
de fer sur peau épaisse,
Le
cœur embrasse, la bouche blesse.
Mais tu
ne fuis pas mes promesses,
Ne
trembles pas quand je te blesse,
Tes yeux
miroirs ont réflichi,
Et ton
regard, ton agonie,
Ont
transpercé l'armure d'étain,
De ces
sentiments assassins.
Et loin
de mes émois,
Tu pries
pour moi,
Froid.
jeudi 5 novembre 2015
L'insuicidé
L'insuicidé
Si loin
des hommes, si loin des femmes,
Si loin
du monde et de ses drames,
Loin de
son port, loin de son corps,
Loin des
regrets et des remords,
Dans un
néant si blanc,
Des
oiseaux innocents,
Immaculés,
Insuicidés.
Bien au
delà des émotions,
Tout
oublier, les yeux, les noms,
La vie
dejà un souvenir,
La
mémoire veut s'évanouir.
Paradis
médical,
Juste un
enfer banal,
Incarcéré,
Insuicidé
A
quand la fin, à quand l'exil ?
Partir...
Toi
qui rêvais d'un autre asile,
Mourir...
Vois-tu
au loin partir ton île ?
Ton
empire...
Etranger
dans ta propre vie,
Tu
fuis,
L'éternité
d'une insomnie,
Tu
pries
Dans
cet asile d'incompris,
Tu
survis.
Les bras
serrés autour du cœur,
La
camisole de douleur,
N'étrangle
pas les sanglots longs,
Des
violés d'un monde abscons.
Pilules
de l'oubli,
Dans un
cerveau trop gris,
Inhabité,
Insuicidé.
Les
anges cachent sous leurs ailes,
Pour
maîtriser l'âme rebelle,
Des
aiguilles, des électrodes,
Psychanalystes à la mode,
Pour
empiler les heures,
Pour
distiller les peurs,
Inexprimées,
Insuicidées.
A
quand la fin, à quand l'exil ?
Partir...
Toi
qui rêvais d'un autre asile,
Mourir...
Vois-tu
au loin partir ton île ?
Ton
empire...
Etranger
dans ta propre vie,
Tu
fuis,
L'éternité
d'une insomnie,
Tu
pries
Dans
cet asile d'incompris,
Tu
survis.
L'issue
pourtant était si belle,
Un tour
de piste, une ritournelle,
Dire au
revoir et disparaître,
Mettre
un point final à l'être.
Ceux que
la mort séduit,
Et
condamnés à vie,
Insoupçonnés,
Insuicidés.
Ils sont
otages de nos mots,
L'âme
coincée dans un étau,
Entre
hier et le trou noir,
Entre
demain et l'abattoir,
L'engrenage
du temps,
Torture
ses amants,
Inanimés,
Insuicidés.
A
quand la fin, à quand l'exil ?
Partir...
Toi
qui rêvais d'un autre asile,
Mourir...
Vois-tu
au loin partir ton île ?
Ton
empire...
Etranger
dans ta propre vie,
Tu
fuis,
L'éternité
d'une insomnie,
Tu
pries
Dans
cet asile d'incompris,
Tu
survis.
mardi 13 octobre 2015
Le jeune homme et la rose
"Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie."
Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578
samedi 10 octobre 2015
Take it off
Take
it off
Le
Picasso sur ton visage,
Take
it off...
Tout ce
rouge sur ton âge,
Take
it off !Take it off !
Ta belle
gueule de chantage,
Take
it off...
Ton
armure, ton camouflage,
Take
it off !Take it off !
Le
mascara sur ton mariage,
Take
it off...
Ton
masque d'animal sauvage,
Take
it off !Take it off !
Ton fond
de teint de fille sage,
Take
it off...
Enlève
tout ce maquillage !
Take
it off !Take it off !
Enlève-le,
t'inquiète pas,
N'aie
pas peur, t'auras pas froid,
Nos
nuits noires, nous deux nus,
Sans
vice, sans vertue,
Take
it off, don't worry,
Ton
non nu nous ennuie,
Sensuel,
sans complexe,
Sans
ces masques perplexes.
Le
foulard qui sent ton amant,
Take
it off...
Le col
roulé qui sentiment,
Take
it off ! Take it off !
Le
skinny jean, corps suffocant,
Take
it off...
Le talon
aiguille arrogant,
Take
it off ! Take it off !
Le
chemisier taché de sang,
Take
it off...
Le
soutien gorge qui me ment,
Take
it off ! Take it off !
L'uniforme
qui te défend,
Take
it off...
Enlève
tous ces vêtements !
Take
it off ! Take it off !
Enlève-le,
t'inquiète pas,
N'aie
pas peur, t'auras pas froid,
Nos
nuits noires, nous deux nus,
Sans
vice, sans vertue,
Take
it off, don't worry,
Ton
non nu nous ennuie,
Sensuel,
sans complexe,
Sans
ces masques perplexes.
L'armure
blanche de ta peau,
Take
it off...
Le sang
qui coule dans ton dos,
Take
it off ! Take it off !
Le
visage de ce salaud,
Take
it off...
Le
sourire qui sonne faux,
Take
it off ! Take it off !
Le
corps, ton éternel bourreau,
Take
it off...
La vie,
qui court vers le tombeau,
Take
it off ! Take it off !
Le cœur
muet, le cœur idiot,
Take
it off...
Mais
l'âme nue, c'est bien plus beau...
Take
it off ! Take it off !
Enlève-le,
t'inquiète pas,
N'aie
pas peur, t'auras pas froid,
Nos
nuits noires, nous deux nus,
Sans
vice, sans vertue,
Take
it off, don't worry,
Ton
non nu nous ennuie,
Sensuel,
sans complexe,
Sans
ces masques perplexes.
mardi 29 septembre 2015
Et sans ciel...
Et
sans ciel...
Sur ses
pas machinaux, la ville se referme,
Les
immeubles avides s'abattent sur son corps,
Il court
pour que sa vie arrive à son terme,
Mais le
monde infini s'acharne sur son sort.
L'horizon
fugitif court plus vite que lui,
Et dans
ses yeux muet, déjà plus rien ne luit.
Il
envoie au soleil des prières trop lourdes,
Tonnes
de désespoir pour une sainte sourde.
Les
lettres qui s'envolent sont vite transpercées,
Par tous
les corbeaux blancs repus de nos pensées,
Leurs
plumes maquillées nous font croire aux anges,
Dans ces
pluies d'illusion, nous noyons nos louanges.
Sur
la route trop longue, qui va de rien à rien,
Il
se crève les yeux pour trouver l'essentiel,
Pour
mieux pouvoir rêver, pour se perdre enfin,
Dans
un monde oublié, sans corbeaux et sans ciel.
Sur
le trop long chemin, du néant au néant,
Il
s'enterre vivant pour trouver l'essentiel,
Pour
pouvoir oublier, pour savourer la fin,
D'une
vie avortée, sans corbeaux et sans ciel.
Heurtant
le ciel trop bas, les prières retombent,
Et
viennent décorer les pierres de nos tombes.
Et pour
se protéger de cette neige grise,
Les âmes
sans défense, construisent des églises.
Leurs
genoux s'y abiment, quand les mots illicites,
Se
cognent au plafond de ce ciel de granite,
Où sont
peints les étoiles, et les anges et l'espoir,
Pour
tromper l'innocent, pour maquiller le noir.
Il
pénètre le temple, masqué de douleur,
Et hurle
au plafond tout les mots de sa peine,
Mais le
granite est sourd et n'entend pas ses pleurs,
Et la
peinture s'effrite sur un ciel d'ébène
Sur
la route trop longue, qui va de rien à rien,
Il
se crève les yeux pour trouver l'essentiel,
Pour
mieux pouvoir rêver, pour se perdre enfin,
Dans
un monde oublié, sans église et sans ciel.
Sur
le trop long chemin, du néant au néant,
Il
s'enterre vivant pour trouver l'essentiel,
Pour
pouvoir oublier, pour savourer la fin,
D'une
vie avortée, sans église et sans ciel.
La
peinture effacée, le granite se fend,
Et sous
le ciel en ruine un noir nouveau s'étend.
Voyant
aux yeux fermés ne vit que dans son crâne,
Dans
l'esprit désertique les souvenirs se fanent.
Canopée
de synapses, de sentiments inertes,
La
dépression ferme les prières ouvertes.
Son
araignée tisse des réseaux associaux,
Ecrit de
nouveaux psaumes à grands coups de ciseaux.
Bible à
l'encre rouge tatouée sur ses paupières,
Mais de
ce ciel osseux il ne pleut que du sang,
Un sang
trop froid déjà et moins fluide qu'hier,
Le sang
des condamnés, un sang sans sentiment.
Sur
la route trop longue, qui va de rien à rien,
Il
se crève les yeux pour trouver l'essentiel,
Pour
mieux pouvoir rêver, pour se perdre enfin,
Dans
un monde oublié, sans bible et sans ciel.
Sur
le trop long chemin, du néant au néant,
Il
s'enterre vivant pour trouver l'essentiel,
Pour
pouvoir oublier, pour savourer la fin,
D'une
vie avortée, sans bible et sans ciel.
Déjà
au creux de lui, le Styx prend sa source,
Et dans
le bruit du temps, le chant de Perséphone
Murmure
des promesses, le dévie de sa course,
Au
diable tous les ciels et leurs prières aphones.
Le
fleuve d'amertume creuse dans ses entrailles,
Le
sombre labyrinthe où tous les mots défaillent,
Visages
décomposés des souvenirs reniés,
Nourrissant
la rivière de leurs chants étouffés.
Le corps
se plonge dans la démission des cieux,
Le
bateau qui avance dans l'enfer silencieux,
Le porte
vers la mort, loin de la vie cruelle,
Dans un
monde nouveau, essentiel et sans ciel.
lundi 28 septembre 2015
Origine des mécanismes de séduction
Origine des mécanismes de séduction.
Modèle: Ayu Chan
Styling: Jan Blasko
Photographie: Thomas Bettinelli
Modèle: Ayu Chan
Styling: Jan Blasko
Photographie: Thomas Bettinelli
Libellés :
Chroniques de mes délires ordinaires,
Grand reporter
samedi 26 septembre 2015
Quand tu m'habites
Quand
tu m’habites …
Et c’est
d’abord ton souffle, sur mon cou,
Qui
m’invite,
Murmurant
tes fantasmes, et mes tabous,
Il
m’incite,
A
quitter le sommeil, lit de sueur,
Illicite,
Pour
entrer dans ton jeu, dans ta torpeur,
Tout me
quitte,
Mon
corps s’ouvre à ta voix, à tes baisers,
Pas si
vite,
Pour
toujours me remplir, me posséder,
Tu
m’habites
Tout
se dissout quand tu m’habites
Plus
de question, plus de doute,
La
vie s’excite, le monde exit,
Et
tu ne quittes plus ma route.
Moi
je suis saoul quand tu m’habites,
Les
sensations à la déroute,
Quand
tu m’excites, enter- exit,
Je
suis à toi, quoiqu’il en coute.
Soumis
je prie, supplie, et à genoux,
Je
t’invite,
Glisse
ta grandeur d’âme, entre mes joues,
Tu
m’incites,
A garder
le silence, et la candeur,
Illicite,
Gouter à
tes principes, en profondeur,
Je
m’acquitte,
Retrouver
la pureté, immaculée,
Et si
vite,
Pour
mieux me corriger, me confesser,
Tu
m’habites
Tout
se dissout quand tu m’habites
Plus
de question, plus de doute,
La
vie s’excite, le monde exit,
Et
tu ne quittes plus ma route.
Moi
je suis saoul quand tu m’habites,
Les
sensations à la déroute,
Quand
tu m’excites, enter- exit,
Je
suis à toi, quoiqu’il en coute.
Finies
les discussions, plus de tabou,
Je
t’invite,
Lentement
m’envahir, et jusqu’au bout,
Ca
m’incite,
A ouvrir
mes secrets, à ta chaleur,
Illicite,
Tout
pénétré de toi, il est l’heure,
Tu me
quittes,
Pour
m’envahir encore, mon guerrier,
Reviens
vite,
Les
frontières ouvertes, abandonnées,
Tu
m’habites
Tout
se dissout quand tu m’habites
Plus
de question, plus de doute,
La
vie s’excite, le monde exit,
Et
tu ne quittes plus ma route.
Moi
je suis saoul quand tu m’habites,
Les
sensations à la déroute,
Quand
tu m’excites, enter- exit,
Je
suis à toi, quoiqu’il en coute.
Corps à
corps allongé, mâles debout,
On
s’invite,
Tout au
bout du tunnel, coup après coup,
Nous
incite,
A
repeindre la nuit, de nos blancheurs,
Illicite,
Glisse
entre nos doigts, cette liqueur,
Qui nous
quitte,
Coulent
sur nous les heures, le corps vidé,
Oh vite,
vite,
Chaque
nuit pour toujours, l’éternité,
Tu
m’habites.
Tout
se dissout quand tu m’habites
Plus
de question, plus de doute,
La
vie s’excite, le monde exit,
Et
tu ne quittes plus ma route.
Moi
je suis saoul quand tu m’habites,
Les
sensations à la déroute,
Quand
tu m’excites, enter- exit,
Je
suis à toi, quoiqu’il en coute.
Les yeux roses
La
rose blanche
Le
bruit des pas s’éleva dans les étages lorsque la jeune chaleur du
matin le décolla du bitume. Les pas, lourds et empresses, endormis
et empâtés des travailleurs matinaux, flottaient doucement dans
l'air clair du matin, transpercés par le vol éthéré des oiseaux
marins. Par la fenêtre entre-ouverte, le jour, la vie, le monde, la
réalité, traînés par le bruit des pas, cortège loufoque et
funèbre, solennellement ridicule des matins quotidiens, envahirent
la chambre tous ensemble, marée triviale, barbare et militaire.
Souillant
la virginité d'un sommeil adolescent, piétinant le lit, les draps,
jusqu'au visage pale ou bourgeonnait encore le sourire beau et niais
des rêves a l'agonie, la marée monte. Le corps réagit,
robotiquement, et se met en marche, funambule et somnambule, suivant
les pas insistants de la foule... La ville monte, le corps descend, a
contre courant des ondes humaines. La vie décroche les rêveurs que
l'aube avait pendus, et d'un pas hagard, le corps aveugle, l’œil
inerte, masque d’Orphée, le voilà descendant lentement
l’échafaud, marche après marche vers le gouffre sans fond des
habitudes rances. Telle est la punition infligée aux innocents
potentiels.
Parcourant
le fil fragile qui sépare songes et quotidien, descendant le long
escalier -mais comprenait-il au plus trois ou quatre marches?- menant
de l’éden aux enfers, dans l'infinie finesse de l'instant présent,
le condamné pourtant semble narguer sa peine. Car le réveil pour
lui, ce jour n'aura pas lieu, et quand le gibet s'effondre pour
crever ses paupières, il ne découvre pas ces yeux, accusateurs, qui
empoisonnent les songes et étouffent les faunes oniriques. Sous les
paupières, juste devant l'iris bleu et gris dilaté par la nuit,
avaient poussé durant la nuit deux roses superbes, blanches,
immaculées, dans la splendeur de leur éclosion nouvelle.
Tel
est l'horizon ce matin, lacté, nacré, infiniment doux et soyeux,
clair et pur, rayonnant et éblouissant, le premier matin du monde,
le premier matin d'un homme, le premier matin d'un cœur, le premier
matin d'un amoureux balbutiant qui s’éveille sans s'y attendre à
la lumière crue des premiers sentiments. Tout n’est que roses
blanches, tout ne sent que parfum de roses blanches, tout chante ce
que chanteraient les roses blanches si les roses blanches pouvaient
chanter. Passants, taxis, passages piétons, centres commerciaux,
mendiants et filles de joie, hommes d'affaires et teckels, tout n’est
que rose blanche.
Quelle
vague ! Ce colosse devant lui, ce gouffre et cette montagne, ces
chevaux galopants et ces flocons délicats, ces soldats féroces, ces
hordes de beauté s'abattant sur lui, sur elle... Était-ce le matin
? Était-ce la vie ? Était-ce la fin, la mort, le crépuscule déjà
? Ce n’était que l'amour, déployant ses pétales blancs et ses
chants de sirène aux yeux et aux oreilles d'un cœur ignorant,
handicapé de jeunesse.
Et
la rose vivait dans le matin comme vivent les roses, un pétale
tombait, en repoussait un autre, plus blanc et plus soyeux,
recouvrant les immeubles et le gris des voitures, les pétales
poussaient sur son chemin devant l'iris bleu-vert, les pétales
fanaient, mais qu'importait la mort ? A rose blanche rien
d'impossible, chantaient les chats des rues dansant sur leurs pianos.
La jeune
fille en fleur avance dans les rues, s'aventurant plus avant dans la
réalité, l'heureuse aveugle funambulait toujours lorsqu'un couteau
tranchant transperça sa joue droite. Qu'avait-t-elle entrevu, entre
les pétales doux de l'amour débutant ? Quelle chimère atroce, la
rose fourbe lui avait-elle fait voir ? Un texto peut-être, l’écran
vide de son téléphone, une autre fille peut-être ou un garçon ?
Non, ce n’était pas grave... Calmons-nous. Le couteau se retourna
dans la plaie. Toutes les roses blanches, ne parfumeront pas ce
silence. C’était grave, l’écran restait vide. Trente secondes.
Un autre poignard, et autre écran vide.
La
rose, garce tendre florissant devant ses yeux, vivait son matin
comment vivent les roses, et à neuf heures quatorze précisément,
sur le chemin de l’école, une épine lui avait poussé. Risibles
enfants qui voient en chaque épine un poignard acéré ! Et
pourtant...
Et
pourtant sur sa joue blanche d'adolescent perdu perlait désormais
une larme de sang, qui coulait, qui coulait, alors que la jeune épine
s’enfonçait dans la chaire tendre de la joue jusqu'au cœur. Rouge
le sang des innocents, comme celui des autres. Lentement, comme
tombent les pétales, le sang coule sur la peau blanche, la joue
pâlit encore, et la rose, s'abreuvant au sang chaud des premières
amours, rosit très lentement, comme rosissent les roses.
La
rose rose
Il
était à présent onze heure quarante, et la rose était tout à
fait rose, d'un rose de jeune fille, d'un rose de jeune homme, d'un
rose universel, insolent et confiant, le rose d’après la messe,
d’après la communion, quand le blanc est fané, que le soleil
pourfend des nuages avant le déjeuner du dimanche et qu'on ignore,
rebelle jeunesse, la voix des parents implorant désespérés qu'on
mette le couvert.
La
fleur ingénue prospère toujours, volage et facétieuse, sa corolle
rose couvrant les murs des universités, et dans sa sève vigoureuse
flottent les vers sucrés, et d'autres dramatiques, mais tous
capiteux, tous chevaleresques, de poètes maudits -tous ont espéré
l’être, tous ne l’étaient pas- lançant des regards et des
défis, minuscules et gigantesques. Et l'on rougit a travers les
âges, et l'on palpite, d'un bout a l'autre d'une génération de
roses. Casquette a l'envers, uniforme strict, jupe fluide ou
provocante, jean anonyme et lunettes noires, costume gothique ou
t-shirts pastels, tout est rose rose à l'âge romantique. Les
serments traversent les rues sans regarder, les promesses boivent
avant de prendre la route, les fidélités fument dans les lieux
publiques, les fiançailles se baignent moins de deux heures avant
d'aller manger, les sacrements vont ensemble a la buvette.
La
rose rose, fière et arrogante, pavane et parade, son parfum
aguicheur, bon marché, dansant comme un ruban, s'enroulant au cou
des filles, au bras des garçons. La rose rose perd un pétale, il en
repousse deux, plus entêtants et plus menteurs, parlant comme
parlent les roses roses, de ces mots de drogue douce.
Cette
vapeur, cette brume, ce romantisme qui rampait encore en fin de
matinée juste au dessus de l'herbe verte du jardin, cette fraîcheur
infinie, mordante et douce, cet adorable pincement, cette angoisse
délectable lorsqu'il disparaissait, lorsqu'elle réapparaissait par
derrière, couvrant ses yeux bruns-verts de ses doigts coupables...
Qu'il est doux d'avoir apprivoisé déjà, si tôt dans le matin, les
ardeurs traîtresses des soleils blancs ! Ainsi se félicitent les
roses roses devant les yeux des gens, dansant et pavoisant. On
dansait, rougissait, souriait, transpirait, soupirait, se félicitait,
se flattait, déclamait et récitait les amours passées... Le ciel
bleu-rose, le soleil jaune-rose, les nuages blanc-rose, les rues
grises-rose...
Et
un poignard, en fer, de ce fer presque vert, de ce fer un peu
rouillé, vient encore se planter dans la joue rose-rose. Un serment
bafoué ? Que nous dit ce texto ? Un poème trivial, est-ce l'ennui
même qu'on fait rimer ? Et la rouille sur cet anneau ? Non le voilà
qui chante à présent, l'amour existe encore. Un poignard encore ?
C'est Rimbaud qu'on assassine, ou du moins son pseudo, sa foule
d'imposteur.
Car
la rose rose, fière et aguicheuse, la jolie garce, le minet
arrogant, a plongé ses épines plus loin dessous la peau, et la joue
déjà rose depuis quelques années rougit encore un peu, et la rose
déjà repue s'abreuve davantage, a la fontaine ou coule le sang du
mariage. Les larmes pleuvent, le sang inonde les vastes plaines de la
jeunesse, et dans ce marécage pathétique se dresse magnifique, une
rose fonçant déjà, d'un rouge velouté, sombre et vif,
crépusculaire et charnue, comme les lèvres du désir.
La
rose rouge
Quinze
heures sonnaient au clocher de l'église, et les cercles de plomb
s'abattaient sur la ville. Heure lourde, implacable, totalitaire,
quinze heures les unes après les autres avaient déjà fondu sur un
jour à peine né, érodant les contours aiguises de la réalité,
mêlant le monde et le soi dans une relativité subjective. On
marchait, hommes et femmes, drapés de certitudes que l'on nomme
force de l'âge, toges de philosophes amnésiques accrochés a leurs
notes, scrutant dedans leur main les traces mourantes des antisèches
d'antan, des numéros de leurs amours. Sur le bitume fondant et sous
le ciel de plomb d’où avaient plu quinze heures déjà, on
marchait vers le soir, et la rose repue, enivrée de nos sangs, était
rouge à présent. Il avançait, pressé mais accablé, dans le
rideau de pourpre des pétales charnels. Il ignorait lui-même le
diable qui, assis sur son dos, accroché a son échine, le guidait.
Ce diable aux yeux rouges sentait bon la rose, et sa voix familière,
aux temps roses et blancs, l'avaient déjà mené vers des enfers
familiers. Il avait juré, elle avait juré, nous avions tous juré,
de ne plus y retourner, d'apprendre la leçon... Mais le diable rose
efface les antisèches et fait suer nos mains. Alors il marche, elle
marche, rose rouge devant les yeux, vers le gouffre exaltant des
amours de quinze heures.
Quelle
ivresse, quel délectable poison, que cette idiotie tardive que l'on
s'autorise au midi de se vie, pour se ressentir jeune, pour se sentir
tomber, pour se sentir aimer, pour se sentir mourir encore une fois.
On se souvient mal du blanc, et le rose pâlit dans nos mémoires...
Alors pousse le rouge devant nos yeux, violent, aveuglant, caressant,
le rouge capiteux des roses de la passion, qui nous aiment
excessivement, nous étranglent de baisers.
Mais
à quinze heure quinze, lorsque tombe son pantalon sur ses chevilles,
qu'importent alors le rose et le blanc ? Qu'importent les mensonges
qu'on se fait à soi même ? Dans l’alcôve de pétales pourpres,
dans les deux millimètres qui séparent son œil de la fleur, dans
l'infinie minceur de sa réalité, ils étaient simplement là et à
l’ abri du temps, parcourant la peau comme en pèlerinage,
infiniment profond et infiniment intense, comme aux derniers
instants, comme aux au-revoir sans prochain rendez-vous.
Rouge
redevient le lit qui avait refroidi, rouge redevient la lèvre qu'on
avait oubliée, rouge redevient le futur qu'on avait peint en gris.
Et l'on se damne à genou, priant la rose rouge, de nous laisser
sortir de ces grottes jolies ou l'enfer fit son nid, il y a quelques
années, il y a quelques roses.
A
quinze heures vingt en dégrafant son soutien gorge, elle emplit sa
poitrine de ces vapeurs d'opium, car le rouge la rend belle encore,
plus belle qu'avant peut-être, elle aime à le penser. Devant ses
yeux la roses et sa corolle fière lui chante en langues mortes
qu'elle ne s'est pas fanée, qu'elle a juste foncé, ton après ton,
et qu'elle foncera encore sans perdre sa beauté. Dans les vapeurs
d'opium, sur les corps aveuglés, marchent les piétons, roulent les
voitures et les tramways, galopent la vie, les heures pressées, et
sous la rose rouge, rien n'est jamais trop long, rien n'est jamais
trop lent.
Quinze
heures trente. Un coup unique retentit, fatal et froid, pas de cercle
de plomb, une dague, une épée, qui s’élève et retombe,
tranchant l'air et l'opium, fendant les corps unis. On jette un œil
a travers les pétales sur l’écran du téléphone. Un mari, une
femme, un travail, une vie ? Bien plus grave que tout cela.
L'aiguille d'une montre, l’épine d'une rose, le temps qui passe
sur le bonheur, l’érodant un peu plus, laissant les âmes nues
face au sommeil, face au néant perpétuel du lendemain. Rougis ma
rose, rougis, et bois encore mon sang si tu ne rougis pas de honte.
Car déjà tu t'effaces, plus foncée, toujours plus éphémère, et
renaissent le monde et ses chemins sans vie lorsque le corps
s’éloigne. Et la route reprend sous le soleil de plomb, sous le
cadran des heures qui martèlent encore, et il cherche en vain,
ajustant sa cravate, les traces de l'opium dans le bitume chaud.
Alors qu'elle se recoiffe, elle parcourt le miroir de ses yeux nus,
entre les cernes, entre les rides, et entre les années, la beauté,
la jeunesse, les roses, qui fleurissaient à quinze heures
vingt-neuf, à quinze heures trente-et une s'en étaient allées.
Mais
la rose prospère, et le sang coule à flot, car qu'est la vie des
roses, sinon des flots de sang, inondant des cœurs, noyant des
corps, en torrents, en marées, en fleuves, en déluges, et la rose
rougit à n'en plus pouvoir.
La
rose noire.
Il
est vingt et une heures et les ombres s'allongent, faméliques et
fragiles, longues tiges ballottées par le temps. Les heures
raccourcissent en frôlant l'horizon, se courbent pour passer sous le
ciel bas, et tout semble accéléré. La jeunesse sort, parée de
romance, d'insouciance, de roses blanches et roses, les amants
baissent leurs pantalons, dégrafent leurs soutien gorges et s'aiment
sous les pétales rouges, mais que sont ils vraiment, a vingt et une
heures, sinon des souvenirs, des ombres frêles aussi et prêtes à
se briser ?
Car
elle marche à présent le long des rues pavées, et les rues
s'allongent, et les rues s'inclinent, et le futur est une montagne,
de plus en plus inaccessible. Le soir se lève, et s’entend sur la
ville, elle s'y attendait bien-sur. Elle y pense depuis des années,
mais la voilà trompée. Elle attendait le soir, et avec lui la paix,
le calme et le silence, l'horizon paisible et dégagé, et le ciel
libre enfin, ouvert sur l'infini. Elle ne voit rien de ça, elle ne
voit que la rose. Cette rose encore, qui fleurit sans répit, revient
encore ce soir et s'impose, apaisée et grandiose, juste devant ses
yeux. Passées l'innocence, l'arrogance et la passion, c'est une rose
grave, une fleur solennelle qui fleurit aujourd'hui.
La
rose noire est fleurie a présent. D'un noir rayonnant, d'un noir
vibrant et profond comme le noir de la nuit. Plus belle et plus pure
que jamais, digne et apaisée, déployée en silence devant les yeux
fatigués. Il monte la rue, il n'en peut plus, mais devant lui la
rose noire, étalant la nuit dessous et dessus ses pas, l'appelle
encore une fois. Quelle est la voix des roses noires ? Une voix
d'outre-tombe, triste et fantomatique ? Une voix du passé,
familière, rassurante ? La voix de la mort future, qui invite et qui
tente ?
Non,
la rose noire chante toujours la vie, elle parle des lendemains comme
on parle d'un rêve, elle parle du plaisir, elle parle des blessures,
un sourire aux lèvres... Tais-toi, Rose tais-toi !
La
rose noire berce, elle ensorcelle et envoûte, elle enchante et
endort. Tais-toi Rose, crient-ils, laisse dormir en paix mon passé,
mes gloires et mes erreurs, mes hontes et mes plaisirs ! Le passé,
s'amuse-t-elle ? Et la rose noire marche devant eux, et les serments
traversent encore la rue sans regarder, et l'opium s’échappe de
quelque alcôve rouge, et les pétales blancs recouvrent les murs
gris.
Je
ne suis pas un deuil, je ne suis pas l'oubli, je ne suis pas
l'espoir, je ne suis pas demain. Je suis l'amour fou, l'enfer et le
paradis, le diable et tous les anges, je suis l'excuse, l'alibi, qui
donne a l'existence une valeur, la valeur de sa démence. C'est le
chant des roses noires, dans leurs langues mortes.
Alors
que la rue monte en sommets inouïs, alors que les heures passent
avec frénésie, que les chants du passé, du présent, du futur se
mêlent à la nuit en un vacarme sombre, la rose noire se fige et
attend les amants. Il vient, elle vient, ils sont juste au devant
d'elle.
Minuit
sonne déjà, elle étend une épine, acérée et divine, vers la
joue presque froide. Quelle est cette douleur ultime ? Bien au delà
du corps, bien au delà de l’âme, la dernière larme de sang
s’écoule lentement.
Une
vie a passé, des roses devant les yeux, le temps s'est écoulé, le
sang s'est écoulé, et la rose a noirci, l'amant n'a rien appris,
des roses devant les yeux, il n'a rien vu passer. Les yeux roses
voient autre chose, aveugles et clairvoyants, ils guident les amants
sur le fil mince qui sépare l'enfer et le paradis. A la frontière
fébrile, facétieux ils s'appliquent a tomber ça et là, d'un coté
et de l'autre. La vie, la mort, le réel ou le rêve n'ont pas leur
mot à dire. Car rien n'est plus vrai, et rien n'est plus faux, que
ce que voient les yeux roses, tout le temps d'une vie.
samedi 19 septembre 2015
Dans tout cet air
Dans tout cet air…
Dans tout cet air autour de moi,
Flotte la vie, flottent les voix,
Dans tout cet air qui me noie,
Respire un monde où tu n’es pas.
Devant mes yeux s’écoulent des peintures,
Maquillant de visages les tristes murs.
Clown menteur qui jette les couleurs,
Pour tromper le vide, il fait peur.
Des kilomètres d’art plombent le ciel,
Le rêveur est privé de son sommeil.
Respirer tout cet air plein d’acrylique,
Dangereux pour les yeux, tableaux toxiques.
Dans tout cet air autour de moi,
Coule la vie, coulent les voix,
Dans tout cet air qui me noie,
Suffoque un monde loin de toi.
Pour tuer les silences un musicien,
Lâche dans l’atmosphère un clavecin,
Les églises se jettent dans le vide,
Egorgent de leurs flèches patricides,
Le créateur des ciels démesurés
Qui séparent nos peaux abandonnées.
Respirer tout cet air plein de tambours,
Dangereux pour les voix, heureux les sourds.
Dans tout cet air autour de moi,
Se meurt la vie, meurent les voix,
Dans tout cet air qui me noie,
Restera-t-il un peu de toi ?
Diluer le parfum, de ton être,
En ouvrant les portes, les fenêtres,
De cette prison d’air, où j’habite,
Ces fausses libertés qui irritent.
Odeurs de sainteté, vous blasphémez,
Les essences précieuses, périmées.
Un peu de pureté, nécessaire,
Dans ton corps fantasmé, je m’enterre.
Et tout cet air autour de moi,
Dissout la vie, dissout ta voix,
Dans tout cet air où je me noie,
Mon âme cherche tes bras.
Des atmosphères d’illusion, au fond,
Imitateurs, usurpateurs absconds,
Le grand spectacle sans relâche,
Jouent la comédie des absents, des lâches,
Peintres et musiciens, tous parfumeurs,
Camouflent des instants du temps trompeur.
Dans les respirateurs artificiels,
Je ne sens que le vide de mon ciel.
Dans tout cet air autour de moi,
Vagues de vie, vagues de voix,
Dans tout cet air où je me noie,
Veux-tu te noyer avec moi ?
J’ai choisi d’habiter une falaise,
Sur le bord d’un rocher, où rien ne pèse,
J’y respire l’horizon, les frontières,
Le vent chasse pour moi ce trop plein d’air.
Chaque inspiration porte vers moi,
Les pays inutiles où tu n’es pas,
Massacrant ces kilomètres barbares,
Nous respirons tout l’air qui nous sépare.
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