samedi 28 octobre 2017

Tourner la plage...

 

Tourner la plage.


Tu marches en longeant la mer,
Tournant le dos au temps qui passe ;
Sur cette ligne éphémère,
Regarde les pas qui s'effacent :
Ne vois tu pas les métaphores,
Abandonnées par chaque vague ?
Cherchons en vain un sémaphore,
Une boussole, une bague...

Tu vis dans un grand sablier,
Un soleil sec, ta poudre d'or,
Verse un désert assoiffé,
Qui ne fleurit que quand tu dors.
Les mots courent, insouciants,
Tu les saisis, ils se font vagues,
Les phrases dansent dans le vent,
Et puis se meurent dans les vagues.

Blanche la plage au matin vierge,
Blanche la page qui t'héberge,
Blanche la vague qui s'enfuit,
Blanche l'encre de notre vie.
 

On écrit les mots sagement,
Pour une empreinte, une trace,
Revenir éternellement,
Vers hier à la même place.
Et puis la vague ou le vent,
Ou un amour ou un oubli,
Recouvrent de l'inconnu blanc
Chaque page que tu écris.



Tu craignais de fermer les yeux,
Et puis la nuit tournait la page,
Tu te réveilles un jour plus vieux,
Et marches sur une autre plage.
Tu crains les matins embrumés,
Implores les rêves perdus,
Mais vois les mots se dessiner,
Sur cette longue plage nue. 

Blanche la plage au matin vierge,
Blanche la page qui t'héberge,
Blanche la vague qui s'enfuit,
Blanche l'encre de notre vie.


Tu es un oiseau déguisé,
Perdu dans ta prison de peau,
Mais les embruns, les vents salés,
En feront rouiller les barreaux.
Chaque jours plus fins et fragiles,
Et puis un jour le corps s'effondre,
L'oiseau s'échappe, mal agile,
Regarde les ténèbres fondre.

Sur cette page désertée,
L'infinie possibilité,
Avec les oiseaux, les marées,
Joue dans l'écume des années !
Et les rêves insaisissables,
Tant de promesses sur le sable...
Des visages reconnaissables,
Écrivent la fin de la fable.

Blanche la plage au matin vierge,
Blanche la page qui t'héberge,
Blanche la vague qui s'enfuit,
Blanche l'encre de notre vie.
 


mardi 17 octobre 2017

Au lit soit qui mâle y panse

Au lit soit qui mâle y panse.


On veut se cultiver sur les champs de bataille.
Y poussent des soldats, un herbier uniforme,
Et tout ce qui fleurit au creux de ces entrailles,
Doit pour s'épanouir attendre qu'on s'endorme.

Il faut au sexe fort cent masques et armures,
Pour cacher sa blessure, taire l'humanité,
Les sentiments muets, les guerres qu'on endure,
Le camouflage froid de la virilité.

Au lit soit qui mâle y panse,
Soldats blessés, démaquillés,
Au lit froid de nos offenses,
Hommes tombés, abandonnés,
Au lit de soie finit l'errance,
Les draps, les bras entremêlés,
Au lieu de toi, une souffrance,
Évaporée sous les baisers.
Au lit soit qui mâle y panse,
Les pierres précieux balafrés.

Les peaux non embrassées souffrent mille coupures,
Et les corps mal aimés se recouvrent de glace.
De cette mascarade naît notre torture,
Mais vous nous rassurez : un jour la vie se passe. 

Les capricieux exigent de fondre au printemps,
Et de ne plus trembler quand on parle d'amour,
De voir couler les corps en torrides torrents,
De pouvoir vivre nu sans aimer à rebours.


Au lit soit qui mâle y panse,
Soldats blessés, démaquillés,
Au lit froid de nos offenses,
Hommes tombés, abandonnés,
Au lit de soie finit l'errance,
Les draps, les bras entremêlés,
Au lieu de toi, une souffrance,
Évaporée sous les baisers.
Au lit soit qui mâle y panse,
Les pierres précieux balafrés.

Dans un endroit secret, inventer l'univers,
Baptiser une vie qu'on a dû avorter,
Survivre retranché, soignant un cœur de verre,
Mais derrière le mur, toujours émerveillé.

En perles délicates, le soleil inonde,
Des deux côtés du mur, il pleut les mêmes larmes,
Les jardins secrets partent conquérir le monde,
Le soleil entre enfin, et cesse le vacarme.

Au lit soit qui mâle y panse,
Soldats blessés, démaquillés,
Au lit froid de nos offenses,
Hommes tombés, abandonnés,
Au lit de soie finit l'errance,
Les draps, les bras entremêlés,
Au lieu de toi, une souffrance,
Évaporée sous les baisers.
Au lit soit qui mâle y panse,
Les pierres précieux balafrés.

dimanche 17 septembre 2017

Pierre précieux



Pierre précieux


Un vif éclat d'argent caresse sa peau pâle,
Son visage caché sous l'ombre de velours,
Des perles irisées baignent ses yeux d'opale,
Au fond d'un écrin bleu que révèle le jour.

Sur ses joues se répand ce liquide saphir,
Sur l'enfance perdue que la nuit a frappée,
Les joyaux mal gardés attirent les satires,
Qui laissent derrière eux des souvenirs bleutés.

Pierre précieux, allait danser,
Sous des cieux bleus étoilés,
Garçon brillant, garçon nuage,
Saphir trop sage, prit de l'âge
Pierre trop pieux, Pierre précieux,
Avait rêvé l'âge joyeux,
D'un coup de poing, Pierre précieux,
Perdit au jeu et se fit vieux.
Scintillements et rires,
Diamants, rubis, saphirs,
Tout ce qui brille n'est pas joyeux,
Vois les joyaux de Pierre précieux.

Le vif éclat d'argent a traversé sa peau,
Et décoré ses joues d'incandescents rubis.
L'orphelin de la nuit suait un sang si chaud,
Que les rubis brûlants étouffèrent ses cris.

Colliers et bracelets, anneaux de rubicond,
La peau nacrée couverte de rubis sanglants,
Le poète mourant enivrait le garçon,
Qui rêvant dans la nuit saignait en souriant.

Pierre précieux, allait dansant,
Sous des cieux rouges couchants,
Garçon brillant, garçon pastel,
Rubis trop rose, perdit ses ailes.
Pierre trop pieux, Pierre précieux,
Avait rêvé l'âge joyeux,
Coup de couteau, Pierre précieux,
Perdit son sang, mourut un peu.
Scintillent dans la nuit,
Diamants, saphirs, rubis,
Tout ce qui brille n'est pas joyeux,
Vois les joyaux de Pierre précieux.

Le monde transparent des garçons délavés
Peuplé des oubliés des nuits de cauchemars,
S'éclaire par moments de sourires esquissés,
Le vide est un joyau qui se connaît trop tard.

Tous les feux de la nuit font scintiller le noir,
Mais le garçon diamant trop loin de la lumière,
Fondant en larmes blanches s'évapore ce soir,
Et les yeux fugitifs oublient l'âme de Pierre.

Pierre précieux, allait gracile,
Sous des cieux verre fragile,
Garçon brillant, garçon s'endort,
Diamant de nuit perdit son corps
Pierre trop pieux, Pierre précieux,
Avait rêvé l'âge joyeux,
Évaporé, Pierre précieux,
Perdit son temps, pour nos beaux yeux.
Trompeurs et aveuglants,
Saphirs, rubis, Diamants,
Tout ce qui brille n'est pas joyeux,
Vois les joyaux de Pierre précieux.

dimanche 18 juin 2017

L'effeuille morte

L'effeuille morte.


A l'automne du jour, au moment où s'étale,
L'ocre d'un ciel mourant dilué dans la Seine,
Une fille fleurie vient perdre ses pétales,
Ses talons aiguilles poignardent une scène.

Prophétesse d'une heure, marchant sur les os,
De spectateurs mourants au pied du piédestal,
Pêcheurs tombés si bas quand elle perdit le haut,
La dentelle s'écoule et les hommes s'étalent.

Les applaudissements caressent sa peau nue,
Et les sifflets serpentent, se nouant à son cou,
Ce soir elle confesse des foules convaincues,
Qui ignorent encore qu'elle rendra coup pour coup.

L'automne au jardin d'éden est terminé,
Sur la Seine qui coule flottent les feuilles mortes,
Sur la scène qui flotte coule l'effeuille morte.
Les filles nues,
Cueillent les pommes,
Cueillent les hommes.
Loin des serpents de soie par le diable tressés,
Sur la Seine qui coule flottent les feuilles mortes,
Sur la scène qui flotte coule l'effeuille morte.


Femme nue dans des flots de satin magenta,
Opaline, nacrée, froide comme son sang,
Après l'ébat des bas de soie au bas de soi,
Un corset trop serré étrangle son amant.

Les saisons et les nuits passent et se ressemblent,
Après l'effeuillage, les hivers solitaires...
Des arbres nus dans la nuit noire, se rassemblent,
Les corps se recouvrent de givre, dur comme fer.

Au matin bleu pourtant, la solitude fuit,
Les amants amnésiques se remplissent de sève.
C'est encore le printemps, qui jamais ne tarit,
L'effeuilleuse fleurit, chassant la nouvelle Eve.


L'automne au jardin d'éden est terminé,
Sur la Seine qui coule flottent les feuilles mortes,
Sur la scène qui flotte coule l'effeuille morte.
Les filles nues,
Cueillent les pommes,
Cueillent les hommes.
Loin des serpents de soie par le diable tressés,
Sur la Seine qui coule flottent les feuilles mortes,
Sur la scène qui flotte coule l'effeuille morte.

Au soir qui naît, au jour qui meurt,
Les feuilles prennent des couleurs,
Un moment que le vent emporte,
Ne restent que les feuilles mortes. 
 
Femme qui naît, Eve qui meurt,
Les filles prennent des couleurs,
Un moment que l'amant emporte,
Ne reste que l'effeuille morte. 
 
Corset serré près de son cœur,
Corps s'est serré près de son corps,
Dentelle fleurie au pied du lit,
Dante, elle fane au pied du lit.


L'automne au jardin d'éden est terminé,
Sur la Seine qui coule flottent les feuilles mortes,
Sur la scène qui flotte coule l'effeuille morte.
Les filles nues,
Cueillent les pommes,
Cueillent les hommes.

mercredi 17 mai 2017

Désert familier

Désert familier


Loin des foules du gris, l'exotisme total,
Les parfums du métro exilés hors de lui,
Il chasse loin d'ici des souvenirs enfouis,
Par des dunes d'ennui, par trop de corps glacials.

Être là maintenant, et sans terre natale,
Entre lui et hier, coulent trop de frontières,
Aiguille à la main, mémoire couturière,
Raccommodant les blancs de ses oublis fatals.

Monter la dune grain par grain,
Recoudre le temps point par point,
Et dans ce désert familier,
Apprivoiser un étranger.
Respirer l'or dans l'air de rien,
Sentir dans le temps le parfum,
Du large des airs familiers,
Revoir l'animal oublié.

L'esprit brode un mur, entre lui et l'oubli,
L'homme toujours construit au bord d'une falaise.
Attendant que le temps et l'inconscient se taisent,
Les odeurs du désert lui parlent sans un bruit.

Somnambules amers, rêvant sous somnifères,
Oubliant le désert où nos êtres fleurissent,
Enterrons le passé avant qu'il ne tiédisse,
Laissons derrière nous des enfants solitaires.

Dans le silence du trépas,
Remonter le temps pas à pas,
Et dans ce désert familier,
Apprivoiser cet étranger.
Quand l'air de rien souffle tout bas,
Les parfums fauves dorment là,
Du néant des airs familiers,
Redonnent vie aux effacés.

Le monde dépeuplé des animaux sauvages,
Nous habille de peau, de fourrure, de cuir,
Mais c'est de sa nature que l'homme veut s'enduire,
Et sans cacher son sang sous des années trop sages.

Ces fumées vivantes, de tabac, de safran,
Peignent sous nos paupières des maisons perdues,
Changent l'invisible, vulnérable et nu,
L'animal ennemi en prince innocent. 
 
Homme perdu sur sa planète
L'odeur du temps nourrit la bête,
Nu dans son désert familier,
Il s'habille de son passé.
Quand le réverbère s'éteint,
Faune nocturne il devient,
Et soufflant des airs familiers,
Redonne vie aux corps glacés.


lundi 15 mai 2017

Métro parfum

Métro Parfum


Sous la peau de béton des cités anonymes,
Courent de chaudes veines baignées d'un sang d'ombre.
Les lumières s'y perdent, et le temps y sombre,
Et des vies s'y écoulent en torrents infimes.

Quelques pieds sous terre, plus proches de l'enfer,
Y entrent inconscients des robots inconnus,
Aimantés par le noir, enivrés par le flux,
Ils fondent et oublient un autre jour souffert.

Peurs distillées, jus mélangées,
Regards perdus des disparus,
Âmes happées, évaporées,
Sous l'avenue, des diables nus,
Respirent l'ombre et se noient,
Ils disparaissent un à un,
Vers un ailleurs, vers un chez soi,
Restent vapeurs, métro parfum.

Les vicieux innocents, crime d'humanité,
Se punissent de tout dans ces longs purgatoires,
Et parmi d'autres diables, se sentant aimés,
Ils se cachent de ce qu'ils s'efforcent de croire.

Mais le sous-sol est froid, et l'enfer est en eux,
Brûlant l'un contre l'autre, ils réchauffent la ville,
Un sang commun emplit le vide de leurs yeux,
Il nourrit malgré lui le monde qui défile.


Corps contre corps, désincarnés,
Yeux grands fermés, à cœur perdu,
Croulant sous le poids des années,
Sueurs froides pour fièvres tues,
Se mélangent et se revoient,
Se reconnaissent un à un,
Dans la vitre mille autres soi,
Suent de concert, métro parfum.

Ils entrent presque morts, ressortent transformés,
Dans un autre décor, et sans un au revoir,
Pour hier, pour celui que l'on vient de quitter,
Celui qu'on a laissé s'oublier dans le noir.

Ils se voient clairement lorsqu'ils ferment les yeux,
Dante les attira dans ces antres sublimes,
Le vacarme des rails étouffent leurs aveux,
Et ils ne sont chez eux qu'en ces fiévreux abîmes.

Des corps perdus, désavoués,
Flottent au gré de cette crue,
Coulant un peu pour respirer,
Pour se perdre dessous les rues.
Et les enfers les renvoient,
Vers la surface un à un,
Ils y sont seuls, ils y ont froid,
Mais transpirent métro parfum.

samedi 6 mai 2017

Les Transparents



Les Transparents


Sous les vitres opaques, couvertes de poussière,
Transformées par le temps en vitraux mystérieux,
Une jeune mariée sourit baissant les yeux,
Songeant qu'il est trop tard pour faire marche arrière.

Son mari triomphant piétine la dentelle,
Où se perdent ses larmes et nos regards distraits,
Étourdis par les fards et les nobles apprêts,
Sous la poussière meurt sa voix qui nous appelle.

Une robe de soie, de bure,
Un costume ou une armure,
Visage peint pour le cliché,
Des masques crient la vérité.
Sous la dentelle rien ne dure,
Le temps répète les murmures.
Une heure, une vie, tu attends,
C'est le rêve des transparents.

Drapée de pudeur feinte, vêtue de doux mensonges,
Elle descend l'escalier et entre dans la rue,
Peuplée de travestis et de stars inconnues,
Elle joint ses faux cils, et la honte la ronge.

Elle ne porte pourtant que la vérité nue,
Armée de ses talons parmi les uniformes,
Sans sourciller la cible, désignée par les normes,
Suicide l'homme en elle, le soldat inconnu..

Avoir honte de soi, impure,
Sous la robe du soir, l'armure,
Visage peint, contre cliché,
Démasquer l'homme, en vérité.
Sous la dentelle rien de dur,
Les cris étouffent les murmures.
Une heure, une vie, tu prétends :
Le cauchemar des transparents.

Du haut de l'escalier, il la regarde fuir,
S'évaporer dans l'ombre douce de l'oubli.
Il lui faudra l'aimer ce que son cœur maudit,
Il faudra pour l'aimer, tuer les souvenirs.

Ses lèvres seront rouges, de fard ou bien de sang,
D'amour ou bien de mort, et l'on prétend le choix,
Quand la vie vous promet des larmes ou des croix,
C'est l'arme à la main que l'on conquiert les ans.

Sans profession de foi, censure,
Tu découvres en toi l'armure,
Visage peint loin des clichés,
Ils te ressemblent, vérité !
Eux ou elles, les êtres durent,
Indifférents à nos murmures.
Une heure, une vie, innocents,
C'est la beauté des transparents.

lundi 27 mars 2017

Triste espace-temps

Triste espace-temps.


Tant de jeunes années vous ai-je vu tracer,
Lignes autour de nous, frontières sans pays,
Bâtir des murs de sables, nourrissant les marées,
Entre nous et ailleurs, hier et aujourd'hui.

Les horloges roulaient, implacables traîtresses,
Sur nos jeunes années réduites en poussière,
Et sous cet ocre vent vous traciez sans cesse,
Sous le fard des frontières, le plan du cimetière.

La poussière volait dans cet atelier blanc,
Par d'opaques vitraux, je regardais un monde
Qui fonçait vers hier sur les chariots du temps,
Tant que nous nous aimions, j'aimais chaque seconde.

Nous élevions l'amour dans cette cage molle,
Ici et aujourd'hui : à jamais nos adresses,
Les mains frêles et nues enserrant nos idoles,
Craignant qu'un jour la mort ne vole nos caresses.

Et pourtant tu partis, plus loin que les frontières.
Notre adresse changea, nous habitons hier,
Et dans l'atelier blanc se pose la poussière,
Notre monde s'enfuit par les vitraux ouverts.

Parfois funambulant, sur les lignes tracées,
Promenant mon passé : tristesse passe-temps,
Et les yeux grands fermés, je marche des années,
Jusqu'au bout des frontières du triste espace-temps.

Et ces lignes qu'on prend une vie à tracer,
Un dernier souffle les efface froidement,
Apportant le visage, les yeux jadis aimés,
Et annonçant la mort, du triste espace-temps.

Alors s'évanouissent les jours et les saisons,
Chaque matin fleurissent mille beautés sans nom,
Alors s'évanouissent le temps et la raison,
Et chaque soir je tisse des rêves à ton nom.

Et nous marchons dans tant d'espace,
Et nous vivons dans tant de temps,
Et la tristesse passe-temps s'efface,
Et se meurt le triste espace-temps.

samedi 21 janvier 2017

Le sang somnambule

Le sang somnambule


A genoux sur la plage, lourdes pierres au cou,
Tu veux noyer ton âge, dans le sol écumant,
Tu graves des prières sur le sable blanc,
En suppliant hier, enterrant l'amour fou.

Tu pénètres dans l'eau, alourdi de bijoux,
Te rêves naufragé, amant des océans,
Mais la mer avorte, la mort toujours t'attend,
Quand la vague t'oublie ton sang redevient fou.

Nous sommes repartis au son triste du pouls,
Tes doigts froids dans ma main, ton être transcendant,
Rescapés d'un matin, ton corps convalescent,
Inondé d'un sang bleu, qui étranglait ton cou.


Immortel jusqu'à aujourd'hui, le temps recule,
Un mouvement perpétuel, la mort t'adule,
Tu flottes nu sur l'océan, voilé de tulle.
Flots de sang bleu autour de toi, tu déambules.

A genoux dans ton lit, tu plantes d'autres pieux,
D'autres cœurs endormis, mais le tien ressuscite,
Et comme jour et nuit, toujours jouer au jeu,
Mais la nuit tu attends, et tout ton corps palpite.

Des masques de vampire hantent tes rêves pieux,
Mais sur ces lèvres rouges aucun sang ne s'invite,
Maquillage d'acteur, mais tu rêvais de mieux,
Sous tes amants en boucle, pour ton sang pas d'exit.

Pupilles dilatées, paupières cendrées hésitent.
Épuiser le vivant pour rejoindre les cieux,
Ou noyer dans le soir une vie anthracite.
Quelqu'un a décidé que tu deviendrais vieux.

Tu désertes tes vêtements, vis dans ta bulle,
Le jour se lève sous ta peau, la nuit s'annule,
Sur toi marche l'armée de plomb des noctambules,
En toi monte la rouge mer, sang somnambule.

La vie d'un funambule ne tient qu'à un fil,
Et ciseaux à la main, tu marches les yeux clos,
Les lames argentées te découpent une île,
Mais dès que tu te blesses, l'eau rentre sous ta peau.

Les prophètes nous jurent que tout est fragile,
Le temps, les gens, pourtant, ne courbent pas ton dos,
Prisonnier de l'envie, privé de tout exil,
Viens enlever ce soir ton habit de héros.

Sens-tu contre ton corps la chaleur de la ville ?
Sa marée te marie, animal au sang chaud,
A l'épopée sans fin des hommes indélébiles,
Comme l'on marierait la victime au bourreau.

Tu revis sans trêve ce soir, sans crépuscule,
Les promesses d'un noir trompeur, rêve en gélules,
Le lamento inconsistant de la pendue,
Te noient dans cent soleils couchants, sang somnambule.