Triste espace-temps.
Tant de
jeunes années vous ai-je vu tracer,
Lignes
autour de nous, frontières sans pays,
Bâtir
des murs de sables, nourrissant les marées,
Entre
nous et ailleurs, hier et aujourd'hui.
Les
horloges roulaient, implacables traîtresses,
Sur nos
jeunes années réduites en poussière,
Et sous
cet ocre vent vous traciez sans cesse,
Sous le
fard des frontières, le plan du cimetière.
La
poussière volait dans cet atelier blanc,
Par
d'opaques vitraux, je regardais un monde
Qui
fonçait vers hier sur les chariots du temps,
Tant que
nous nous aimions, j'aimais chaque seconde.
Nous
élevions l'amour dans cette cage molle,
Ici et
aujourd'hui : à jamais nos adresses,
Les
mains frêles et nues enserrant nos idoles,
Craignant
qu'un jour la mort ne vole nos caresses.
Et
pourtant tu partis, plus loin que les frontières.
Notre
adresse changea, nous habitons hier,
Et dans
l'atelier blanc se pose la poussière,
Notre
monde s'enfuit par les vitraux ouverts.
Parfois
funambulant, sur les lignes tracées,
Promenant
mon passé : tristesse passe-temps,
Et les
yeux grands fermés, je marche des années,
Jusqu'au
bout des frontières du triste espace-temps.
Et ces
lignes qu'on prend une vie à tracer,
Un
dernier souffle les efface froidement,
Apportant
le visage, les yeux jadis aimés,
Et
annonçant la mort, du triste espace-temps.
Alors
s'évanouissent les jours et les saisons,
Chaque
matin fleurissent mille beautés sans nom,
Alors
s'évanouissent le temps et la raison,
Et
chaque soir je tisse des rêves à ton nom.
Et nous
marchons dans tant d'espace,
Et nous
vivons dans tant de temps,
Et la
tristesse passe-temps s'efface,
Et se
meurt le triste espace-temps.