Les Invisibles
Dans un
sommeil d'acier, la nuit me capitonne,
Mais
tristement les murs transpirent leurs murmures,
Les
confessions résonnent quand le silence tonne,
Et des
mots drogues dures transpercent mon armure.
Le noir
ne cache rien à ces yeux invisibles,
De mon
corps perméable les idées s'évaporent,
Vide,
nu, je m'emplis de mondes impossibles,
La
gravité me cloue, les songes me dévorent.
Le sang
s'en va et vient en vagues silencieuses,
Inondant
de fièvre mon cerveau déserté,
Infusé
de poussière, d'absences vénéneuses,
Il
irrigue mes yeux d'un monde fantasmé.
Les murs
de la prison, mes globes oculaires,
Et ses
barreaux d'acier, mes sens assassins.
Tous les
six ils cisaillent de leurs doigts de fer,
Les
êtres disparus avortés du destin.
Le temps
transperce tout, la mémoire transpire,
Les
invisibles jouent, respirent dans mon cou.
Oubliés
par les heures, les merveilleux du pire,
Ornent
un torse nu où frémit un cœur fou.
Pourtant
ces compagnons me sont restés fidèles.
Parcourir
les années, et sa folie en laisse,
Enfin
s'évaporer, rejoindre l'irréel,
La chute
infinie d'où refleurit l'ivresse.
Quelles
odes chanter, quel langage tenir,
Aux
beautés invisibles de ce panthéon,
Par quel
verbe d'amour leurs morsures guérir,
Quand le
mystère meurt sous l'éclat des néons ?
Dehors
le monde valse, rien ne m'étourdit,
Plus que
les lourds éthers des êtres qui s'effacent.
Ceux
qu'on a condamnés à vivre l'interdit,
Et
devant mon miroir je vois l'absent en face.
Les
instants infinis et les toujours trop courts,
Les
foules inconnues et les amis damnés,
Élégants
paradoxes, inutiles recours,
L'invisible
se joue du règne des années.