Vestiges du vertige
Personne
ne s'attend à rencontrer un jour,
Au
détour d'un hasard, un animal sauvage.
A
croiser tout à coup un tigre de velours,
Un
amour monstrueux, un si doux esclavage.
Alors
mille fléaux s'abattent tous ensemble,
Et
autant de trésors pleuvent sur notre vie.
Et
la bête féroce en tous points nous ressemble,
Et
chante en un souffle nos peurs et nos envies.
Alors
nous nous lançons, croyant avoir le choix,
Sur
le chemin noueux que pointent nos instincts,
Quand
nous escaladons, la chute nous échoit,
Nous
tombons amoureux jusqu'au fond du destin.
La
peau fait désertion, et l'âme nue frissonne,
Pour
ceux qui ont mené ces guerres éperdues
L'instant
le plus ténu survit en nous, résonne,
L'infinie
profondeur du vertige perdu.
Notre
cœur est au chaud dans la gueule du tigre,
Personne
n'eût rêvé pour lui plus bel écrin,
Le
jeune amant embrasse le danger qu'il dénigre,
S'enivre
goulûment du poison qu'il ne craint.
Déjà
vous questionnez, et vous avez raison,
La
sanité psychique de l'autodestructeur,
Du
garçon romantique qui en toute saison,
Se
brûle au feu noir d'un soleil séducteur.
Pourtant
chacun sa bourse, chacun son commerce,
Et
les trésors de l'un sont les misères de l'autre.
Ainsi
ceux qui chérissent l'arme qui les transperce,
Ont
d'autres religions, et leurs propres apôtres.
La
peau fait désertion, et l'âme nue frissonne,
Pour
ceux qui ont mené ces guerres éperdues
L'instant
le plus ténu survit en nous, résonne,
L'infinie
profondeur du vertige perdu.
Comment
finit le tigre ? Il nous dévore, il meurt ?
Dans
les deux cas je suis voué à l'agonie,
Mais
j'aurai tant vécu, et si rien ne demeure,
Jamais
je ne craindrai votre monotonie.
Car
le tigre me suit, ou lui ou son fantôme,
A
chacun de mes pas, je l'entends me rugir :
«
J'ai aimé follement chacun de tes atomes,
Le
souvenir de toi me fait encore rougir. »
Moi
qui ai tout perdu, par ma faute peut-être,
Je
suis riche de toi, je garde ce prestige,
Je
porte le fardeau, l'extase de connaître
La
vie à l'état pur, vestige d'un vertige.