L'aube épine
Tu
suis au matin bleu les taches écarlates,
Coulant
des mains meurtries qui l'ont trop tôt saisie.
Où
mène ce chemin de croix Ponce Pilate ?
Un
autre jeu de piste, une autre fantaisie...
Alors
que l'heure sonne, le réveil strident
Allume
un jour néon, suspend un lourd soleil.
Tout
contre ma paupière, j'en vois luire les dents :
Un
astre pernicieux au rire artificiel.
Bienheureux
celui qui, drapé de songes troubles,
Peut
distinguer la rose, la ronce, l'aubépine.
Regarde
de plus près, le monde se dédouble,
Sous
des airs de bouquet, s'annonce l'aube épine.
Le
printemps se fait vieux, tu es encore au lit,
Le
monde tourne vite, et refleurit sans toi.
Bientôt
le sapin roi, bientôt les pissenlits,
De
quoi te couvres tu ? La nuit n'est pas un toit.
Chantage
et menaces, le jour persuasif
Se
farde et pavane, tous jupons affolés,
Réfléchit
mes complexes en miroir corrosif,
Et
danse sur l'autel des rêves immolés.
Bienheureux
celui qui, drapé de songes troubles,
Peut
distinguer la rose, la ronce, l'aubépine.
Regarde
de plus près, le monde se dédouble,
Sous
des airs de bouquet, s'annonce l'aube épine.
Il
brandit tour à tour des roses, des trésors,
Mille
joyaux maudits punissant leurs voleurs,
Sous
le velours soyeux, l'épine ne ressort,
Qu'une
fois l'homme atteint par le parfum des fleurs.
Alors
dans la torpeur de la nuit fugitive,
La
main perdue saisit la tige hérissée,
Croyant
cueillir la clé de joies définitives,
Il
récolte la peur et l'ennui métissés.
Bienheureux
celui qui, drapé de songes troubles,
Peut
distinguer la rose, la ronce, l'aubépine.
Regarde
de plus près, le monde se dédouble,
Sous
des airs de bouquet, s'annonce l'aube épine.
Les
ronces acérées qui enlacent nos rêves,
Couronnent
nos messies et transpercent la nuit,
Sont
les armes d'un monde trivial et sans trêve
Qui
promet floraisons pour nous vendre l'ennui.
Suis
les traces de sang, les pétales bientôt,
Fleuriront
ce chemin quand la rose mourra :
Des
esclaves bernés vont payer leurs impôts,
Chacun
saisit la fleur, mais jamais n'avouera.