samedi 9 mai 2020

L'aube épine

L'aube épine


Tu suis au matin bleu les taches écarlates,
Coulant des mains meurtries qui l'ont trop tôt saisie.
Où mène ce chemin de croix Ponce Pilate ?
Un autre jeu de piste, une autre fantaisie...

Alors que l'heure sonne, le réveil strident
Allume un jour néon, suspend un lourd soleil.
Tout contre ma paupière, j'en vois luire les dents :
Un astre pernicieux au rire artificiel.

Bienheureux celui qui, drapé de songes troubles,
Peut distinguer la rose, la ronce, l'aubépine.
Regarde de plus près, le monde se dédouble,
Sous des airs de bouquet, s'annonce l'aube épine.

Le printemps se fait vieux, tu es encore au lit,
Le monde tourne vite, et refleurit sans toi.
Bientôt le sapin roi, bientôt les pissenlits,
De quoi te couvres tu ? La nuit n'est pas un toit.

Chantage et menaces, le jour persuasif
Se farde et pavane, tous jupons affolés,
Réfléchit mes complexes en miroir corrosif,
Et danse sur l'autel des rêves immolés.

Bienheureux celui qui, drapé de songes troubles,
Peut distinguer la rose, la ronce, l'aubépine.
Regarde de plus près, le monde se dédouble,
Sous des airs de bouquet, s'annonce l'aube épine.

Il brandit tour à tour des roses, des trésors,
Mille joyaux maudits punissant leurs voleurs,
Sous le velours soyeux, l'épine ne ressort,
Qu'une fois l'homme atteint par le parfum des fleurs.

Alors dans la torpeur de la nuit fugitive,
La main perdue saisit la tige hérissée,
Croyant cueillir la clé de joies définitives,
Il récolte la peur et l'ennui métissés.

Bienheureux celui qui, drapé de songes troubles,
Peut distinguer la rose, la ronce, l'aubépine.
Regarde de plus près, le monde se dédouble,
Sous des airs de bouquet, s'annonce l'aube épine.

Les ronces acérées qui enlacent nos rêves,
Couronnent nos messies et transpercent la nuit,
Sont les armes d'un monde trivial et sans trêve
Qui promet floraisons pour nous vendre l'ennui.

Suis les traces de sang, les pétales bientôt,
Fleuriront ce chemin quand la rose mourra :
Des esclaves bernés vont payer leurs impôts,
Chacun saisit la fleur, mais jamais n'avouera.

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