lundi 18 février 2008

Langue maternelle















Toi qui sais tout de moi, toi dont j’ai tant à apprendre, raconte moi l’histoire de mes rêves nacrés. Ceux que nous cultivions ensemble, ceux que tu m’as appris à faire mûrir. Ces rêves qui fleurissaient aux fenêtres d’immeubles si gris et si étranges que nous avons habités, et qui embaumaient mon enfance, grimpant au gré des mercredis pour jouer avec nous.

Moi qui te découvre, moi qui veux tant séduire, tant convaincre, pour qui rien n’est acquis, je suis toujours sous ton regard le même garçon nu. Je ne peux rien te prouver, tu acceptes le doute, tu berces les mystères, tu laisses aux marionnettes l’usage des artifices.

Toi qui m’as donné ma chance, qui m’as confié l’or de ta confiance, aveuglément, fermant les yeux sur le hasard de mes paris, donne moi encore cette main, projette à nouveau mon regard vers l’avenir. Car ce parfum de confiance qui flottait derrière moi, cette présence indicible, arrive en flocons d’argent à travers le ciel gris que tes yeux ont percé. La main par delà les nuages nous ramenait le bleu, le blanc, et quelques arcs-en-ciel, et coloraient nos yeux de teintes exotiques.

Toi qu’on a enfermée, tu comprends les révoltes, de ceux qui ont un cœur trop grand pour leur corps, trop lourd pour leur maison. Tu sais la patience, tu sais le silence, tu as appris à t’échapper, tu as appris à libérer.

Moi qui suis en fuite vers mes utopies vitales, je pense à tes combats, je partage tes défaites. Je sais tes écorchures, car les routes perdues qui mènent à nos églises sont bordées de ronces et striées de balafres. Mais les belles clairières où tu nous a conduits, et les lagons bleutés où nous nous échappons, sont sources de prodiges et les blessures s’y perdent.

Toi qui séchais mes larmes, tu m’offrais des planètes pour faire pousser mes fleurs. Et mes sanglots faisaient fleurir ce monde, les couleurs et les parfums naissaient de nos détresses. Les hivers sentent l’orange et la cannelle, la tristesse sent l’espoir et le pardon. Chaque saison, chaque émotion, est un visage nouveau de la vie que tu as rendue précieuse.

Toi qui as donné ton temps, toi qui donnerais ton sang, sais tu où tu iras, quand manquera le temps, quand manquera le sang ? Tu auras tout donné et tu seras légère, si légère, comme une idée, une prière.

Moi je me rends compte que le temps et le sang auront toujours manqué, que c’est de la survie que jaillit la beauté. C’est dans la course, c’est dans le vent, dans les marées et les courants, que la vie naît et je comprends, que l’on frissonne vraiment lorsque le temps se glace et que le sang se fige.

Je revois ton visage, qu’éclairaient les bougies, dans des prières secrètes dont je fus le sujet, mais jamais le témoin. Ces prières invisibles qui nous portaient de loin, qui veillaient sur nos nuits et retenaient les ombres, portant à bout de cœur nos songes hors de portée des griffes sombres.

Je revois les bougies qu’éclairait ton visage, donnant vie aux pierres des chapelles, ravivant les couleurs de sentiments grisés, de ferveurs désuètes. Comme elles étaient vaillantes, à leur propre destin, si fragiles et si éloquentes, se consumant comme toi en rayons de lumière, ces bougies éphémères que ta foi allumait.

Je revois autour de toi flotter les sourires de ceux que tu as aimés. Lorsque tes yeux clignent je vois leurs yeux cligner. Lorsque tu tends la main je vois leurs mains tendues, des mains d’hommes, de femmes, des mains belles ou repoussantes, vaillantes ou faibles, chaudes ou définitivement froides. Qu’importe la main, l’important est le geste.

Ils ne t’ont rien donné que tu aies pu garder, ils ont fait mieux, ils t’ont accompagnée, sur les chemins que tu traçais pour eux. Ils ont suivi dans le brouillard cette lueur que je porte au plus profond de moi.

Ils la suivent toujours et l’appellent espérance,

J’ai l’immense privilège de l’appeler Maman.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà un joli compliment bien tourné ! C'est assez puéril, mais certaines mamans aiment bien que leurs enfants restent des enfants...
Prévois quand même une chorégraphie au cas où ta maman te laisse grandir !
BTD

Thomas a dit…

Je resterai toujours son enfant. C'est comme ça. Qu'elle me laisse grandir? Elle me fait grandir, depuis le début.

Anonyme a dit…

Le plus beau (et le plus difficile)cadeau que j'ai pu faire et pourrai offrir à mes enfants, c'est de leur dire "Vas"."Vas", j'ai confiance en toi ; "Vas", je sens et je sais que tu as des capacités à développer, celles que tu sens bouillonner en toi. "Vas", je sais que la vie n'est pas facile, mais je sais aussi que tu sauras t'en sortir, je sais que tu pourras avancer et grandir, événement après événement. Je sais que tu sauras trouver en toi la source de ta vie et aller y puiser aussi souvent que nécessaire pour faire sourdre cette goutte de rosée ou cette larme de douleur qui te permettront d'aller vers l'in-édit, l'in-ouï. "Vas", ta vie t'appartient. "Vis", je t'ai conçu par amour et non pour possession, pour ce miracle, ce mystère qui nous dépasse, la force de vie. C'est toi qui écris ta vie, c'est toi qui composes, qui choisis, qui grandis. "Deviens" (facile la trilogie ...), c'est le plus beau cadeau que tu peux t'offrir et proposer aux autres. A chacun de creuser, de chercher, d'essayer, de recommencer, de continuer ... jusqu'au dernier souffle (vous l'avez déjà entendu cette expression là.) ETRE avec sa responsabilité d'homme (sens large bien évidemment) et sa liberté. Avec les autres, cela va de soi. J'espère n'avoir jamais eu d'autre ambition pour vous, mes enfants. Ma vie, elle est plus derrière moi que devant moi, mais j'ai toujours beaucoup de bonheur à apprendre encore et encore. Cette aventure, ce sel de ma vie, c'est l'aventure humaine, c'est cheminer avec les autres, avec l'autre, et il m'arrive d'y mettre un A,l'Autre. Mais c'est sujet bien vaste aussi.
A mes enfants, je ne peux que leur proposer le monde, mais ce sont eux qui parcourront les pays de leur choix, pas moi.
Je ne peux concevoir l'amour sans la liberté.

Anonyme a dit…

Je n'ai pas pris le temps de signer le précédent commentaire : je suis Christine, la maman de Thomas, Sandrine et Philippe.

Anonyme a dit…

Te souviens-tu de ce temps passé le soir à raconter des histoires ? Il pouvait s’agir d’un nouveau livre, que nous choisissions en librairie avec curiosité, ardeur, esprit critique ou esprit malin, bref, avec amour, avec entrain. Il pouvait aussi s’agir d’une légende, vieille comme le monde, d’un conte, de Grimm, de Perrault, d’Andersen, ou d’un récit plus classique dans sa forme et son époque. Ce pouvait être enfin des histoires inventées, qui se construisaient selon les réactions qu’elles produisaient, des mimes ou des grimaces, des rires ou des craintes, des cachettes sous la couette ou des sauts sur le lit … quoiqu’il en soit, ces histoires du soir pouvaient toujours se rapporter à la réalité et au rêve.
Pour moi, dans la vie, s’entrecroisent bien souvent tous ces éléments. Même si « l’ici et maintenant » sont irremplaçables, ils n’imposent aucune œillère. Etre créatif à partir de ce qui est et de ce que l’on est. Ce n’est pas si simple, encore faut-il laisser s’exprimer un élément fondamental de la vie, le désir.
« Va, vis, deviens ». Rien que dans ces trois verbes, imagine tous les mouvements possibles, toi qui patines, toi qui danses. Imagine ces chemins d’intériorité, d’épanouissement. Habite ta vie avec sérénité.