Il y a ceux qui partent, ceux qui s’évaporent, ceux qui se dissolvent,
Esclaves de leur fuite, ils courent à rebours et font tourner le monde.
J’ai beaucoup couru, je n’ai que trop fui, mais aujourd’hui je tombe.
Je tombe hors du temps, je laisse tourner les ombres et les fous qui s’immolent,
Tout autour de la terre, sur leurs orbites molles..
Tomber hors du temps, c’est chuter hors de prison, c’est tomber libre
Comme on tombe amoureux, une joie intolérable et une insulte au monde
Se complaire dans la chute et apprivoiser l’absence des heures, oublier leurs ombres,
C’est tuer les geôliers sans les remercier, se laisser survivre et s’épargner enfin.
Perdre le contrôle, celui qu’on supporte, aveuglément.
Il faut prendre un passe temps comme un passe muraille et dissoudre les chaînes,
Vivre en désaxé, les horizons brouillés, l’abscisse désordonnée.
Les pieds sur la terre nous entraînent, le temps gonfle les voiles du départ
Ce désir d’être porté lorsque l’on peut flotter est un caprice cher payé,
Le fauteuil du temps précède le handicap.
Les terres meubles, les sols impalpables, sont ceux qu’il faut savoir fouler
La confiance qu’on accorde aux trésors invisibles nous délie des regrets,
Et relâche à mon cou la corde nouée que le temps tend sans trêve.
Ces certitudes sans âges actionnent d’autres rouages et d’exotiques logiques,
Des narrations nouvelles qui tissent le fil du temps avec d’autres soies rares.
Il faut confier le plus lourd aux nuages légers, savoir remettre à demain,
Et remettre en des mains étrangères les encres noires qui suintent à travers nous.
Traverser la pluie et le bon temps, les brouillards acides des matins éteints
En conservant en soi l’horizon, et l’infini vers l’autre, ne pas viser demain
Mais viser un état, un état libre et de grâce.
Les temps morts sont des leurres, qui hantent les cœurs creux
Et les soupirs faciles des âmes prisonnières
Ces fantômes mythiques s’évaporent d’effroi
Dès qu’on tourne le dos à la funeste marche
Et le temps comme le vent, n’emporte que l’infime.
Ne voyagent avec lui que de sèches brindilles,
Et la chaleur de flammes qui n’ont rien su brûler.
Le reste demeure et voyage autrement, dans l’espace infini, sur cette route droite, qui relie l’indicible à mon être profond
4 commentaires:
;-)
Tout est aléas tant qu’on ne fixe rien et que rien ne nous fixe d’un point qui pourtant demeure provisoire. Excepté le proche qui nous entoure, rien ne nous soutient hormis les disciplines que nous nous choisissons pour un pas après l’autre. Et que dansent les mots au gré de caprices dont nous sommes à peine les auteurs. Au mieux, s’il se peut, quelques hauteurs éphémères.
Combien de libertés ne se composent pas des maillons d’une fuite. Combien de fuites ne laisseraient pas de traces. Combien cela ne trace pas de messages. Combien ce que déjà on dressait, déjà aussi s’incline et replonge en cherchant sous le même zénith, parfois, à se présenter, à se représenter, à être présent à nouveau. D’un nouveau qui estompe les usurières mesures temporelles.
Combien nous nous trompons. Et essayons encore. Combien nous inspirent les inexorables marées faiseuses de sable. Combien nous nous moquons, en les choyant, des horloges dérisoires.
Ames alarmées d’amarres chamarrées ?
Le vrai miel de toute façon a toujours un petit arrière goût d’amertume. Et pour vivre vraiment, on ne vit au plus tôt qu’avec la conscience de ce que l’on donnera au temps en nourriture pour qu’il se taise, voire pour qu’il se soit tu : les ineffables preuves d’avoir vécu : certitude de folle gratitude, délicate liqueur du regret, voiles gonflées de plénitude, tanin dans la coupe qui ne cesse de se remplir, noble, longue et chaude conquête du sentiment d’amour, et au loin, très loin s’il se peut, le plus loin possible pour qu’il soit plus clair, un petit rire espiègle dont l’écho cristallin nous fait entendre que l’essentiel ne nous a jamais quitté. Jamais abandonné.
Et, oui, plus fort que tout, plus difficile que tout, plus exigeant que tout, plus nécessaire que tout, plus probant que tout, plus improbable peut-être, plus dangereux quelquefois, plus excitant, plus insolent, plus rassurant, plus vital que tout : la grâce d’être libre.
Jusqu’au choix intime, prélevé au plus profond, celui, précis, de cet étranger à nous, qui fait que nous tenons. Que nous avançons. Que nous sommes là. Même seul. Paraît-il.
Un lâcher-prise qui permet d'inédites envolées même si le coeur saigne et se tord en gémissements secrets. S'ouvrir à des chemins intérieurs inconnus pour permettre l'espace de la rencontre. Rejoindre la liberté première tapie dans le plus intime. Choisir la noblesse du possible pour s'étoffer de la finesse de l'essentiel.
Il faut trouver son bonheur dans l'état de quête, dans l'attente apaisée, sur le chemin et pas uniquement à l'arrivée. Accepter les détours, prendre son chemin, qui n'est jamais tracé, en tous cas pas à nos yeux.
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