Mon évaporée flotte et se peau de chagrine,
Au gré d’une éclaircie, elle fait dans la dentelle.
Mon évaporée est gaze térébenthine
Quand le soleil donne, elle boue sous l’ombrelle.
Arlésienne diluvienne elle a fondu sur moi
Puis elle prend la brise et souffle sur les plaines
Et elle se condense sur le métal trop froid
De mon cœur et le rouille d’insaisissables peines.
L’évaporée parfois s’étend à mes carreaux.
J’en caresse alors la surface friable
Et contemple à mon doigt l’évaporée en goutte,
Qui s’étire le long des pulpes digitales.
Alors d’un souffle chaud j’efface la balafre
Que j’infligeai d’un doigt à la vitre embuée.
Le corps cicatrisé porte mon autographe,
Mon thorax est vidé de ses brumes soufrées.
L’évaporée m’étreint dans un tendre brouillard
Je m’y ébroue serein et y déploie mes sens.
Je nage dans le presque de ces halos hagards
Ta moiteur m’enveloppe de son omniprésence.
Mon spectre parfumé me suit de quelques mètres.
Parfois je volteface espérant traverser
Ce nuage opiacé à l’évidence piètre
Dont j’implore l’averse, à genoux, assoiffé.
L’évaporée s’assèche, et sans pitié m’atterre
Moi cloué au désert, distillant des jurons
Qui sont la seule pluie qui me revient à terre.
La vapeur adorée me laisse à l’abandon.
Mon évaporée pleure et j’aime quand ses larmes
Irriguent mes buvards de mots indélébiles.
Ils boivent et se saoulent puis ils rendent les armes
Les mots restent couchés, la vapeur prend asile.
L’évaporée m’encense alors que je me myrrhe
Se vautre dans l’absence, et lèche la folie
Que fait perler sur moi la moiteur de l’oubli.
Elle toise elle vise et froidement elle tire.
L’évaporée s’affaire sur l’amoureux cadavre.
Elle feint l’infirmerie, habile cleptomane,
Alors qu’elle vient traquer en plein cœur de son havre
Le moindre rejeton qu’avait pondu mon âme.
Pourtant aucune honte d’ainsi me délecter
De l’autopsie fatale qui se joue dans mon lit
Car mon âme volait aux bras d’Evaporée
Et je ne connais rien qui soit aussi exquis.
Qu’elle est belle la brume qui flotte sur ma vie,
Ce manteau nous prévient de la trivialité
Ce brouillard qui accorde au rêve son sursis
C’est la réalité qui s’est évaporée.