Versets granitiques
L'amnésie
quotidienne qui ternit nos yeux,
Les
filtres successifs de ces vitraux frileux,
Qui
tapissent de rouille les cieux oxydés.
En
mélopées de gris pourtant quelle douceur
Pleut
sans aucun répit sur la Bretagne ronde,
Quand
dans le ciel laiteux des amours vagabondes
S'effleurent
au détour d'un manque de noirceur.
Quand
le chant des marins me pousse au naufrage,
Phares
et sémaphores, laissez moi m'échouer !
Laissez
à la dérive les enfants de mon âge,
N'ont
qu'une vague idée du sens du mot « jouer ».
Laissez
moi m’enivrer des versets granitiques,
Peindre
sur mes paupières d'exotiques rivages,
Couler
sur mon visage ces bruines oniriques,
Graver
sur mon granit l'amour et ses ravages.
Il
faudrait dépasser les roches acérées
Qui
gardent les rivages des îles oubliées.
Il
faudrait s'amarrer, et puis bien enlacés,
Résister
aux rafales de ce vent glacé.
En
cascades d'écume pourtant, quelle tendresse,
Déferle
sans faiblir sur le froid Finistère,
Quand
sur les roches nues les hommes solitaires
Viennent
à fleur de peau partager leurs détresses.
Quand
le chant des marins me pousse aux abysses,
Phares
et sémaphores, laissez moi m'échouer !
Laissez
à la dérive les enfants de Narcisse,
N'ont
qu'une vague idée du sens du mot « jouer ».
Laissez
moi m’enivrer des versets granitiques,
Peindre
sur mes paupières d'exotiques Villes d'Ys,
Couler
sur mon visage ces bruines oniriques,
Graver
sur mon granit l'amour et ses délices.
Mais il
faudrait surtout aimer le mauvais temps,
Et
attendre la pluie et supplier le vent,
Se
laisser emporter au fond de l'océan,
Perdu
dans le brouillard, et s'en faire un amant.
Se faire
de l'orage le refuge d'un soir,
Du
granite tranchant une perle de nacre,
De
l'étranger errant un prince que l'on sacre,
Et du
hasard tremblant un destin, une gloire.
Quand
le chant des marins m'attire vers l'horizon,
Phares
et sémaphores, laissez moi m'échouer !
Laissez
à la dérive les enfants de raison ,
N'ont
qu'une vague idée du sens du mot « jouer ».
Laissez
moi m’enivrer des versets granitiques,
Peindre
sur mes paupières d'exotiques prisons,
Couler
sur mon visage ces bruines oniriques,
Graver
sur mon granit l'amour et ses saisons.