La muse ment
Elle tournoie gracile au tombeau du poète,
De larmes diluées elle revêt son deuil,
Jamais fatalité ne sembla si fluette,
Qu’autour de ce caveau dont tu hantes le seuil.
Les victimes collatérales
Des malédictions artistiques,
Dans leur chômage crient et râlent,
Dans leurs habits hellénistiques.
Quand le poète a expiré
Reste la muse à expier,
En mal d’Orphée à inspirer,
En mal de vers, en mal de pieds.
Une vie de mortel, rien qu’un amuse bouche,
Un corps sur un autel, rien qu’un amusement,
Un trou dans le sol froid, et que la muse bouche,
Aux fans qui le fleurissent, toujours la muse ment.
Car que lui reste-t-il de ces années saignées,
Dont les heures intimes ont été publiées?
Maigres instants secrets, qu’elle ne veut enseigner,
C’est elle entre les lignes, elle ne peut l’oublier.
Les anonymes fleurs des champs,
Qui peuplent trop de natures mortes,
Nous leur devons tant de ces chants,
Et leurs noms restent lettres mortes.
Quand le poète a trépassé,
Reste la muse à consoler,
Les trivialités dépassées
Rongent les muses isolées.
Une vie de mortel, rien qu’un amuse bouche,
Un corps sur un autel, rien qu’un amusement,
Un trou dans le sol froid, et que la muse bouche,
Aux fans qui le fleurissent, toujours la muse ment.
Un bijou dérobé, ou le sens d’une rime,
La strophe gribouillée que vous ne lirez pas,
Voici tout ce qui reste, ce à quoi je m’arrime,
Quand chaque jour nouveau t’éloigne de cent pas.
Nous les amours dissimulées,
Nous les amants asexués,
Les cadavres accumulés,
Autres maîtresses conspuées,
Quand le poète s’en est allé,
Vous nous devrez tout son bonheur,
Jamais nous n’avons détalé,
Et l’au delà sonne notre heure.
Une vie de mortel, rien qu’un amuse bouche,
Un corps sur un autel, rien qu’un amusement,
Un trou dans le sol froid, et que la muse bouche,
Aux fans qui le fleurissent, toujours la muse ment.
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