Dans mon dos la mer...
Dans mon dos la mer, lisse et bleue,
jouait silencieusement.
C'est ce que je rêvais, marchant sur
l'avenue,
A des milliers de nuits des embruns
écumants.
Ce que je ne vois pas, ce que je ne
vois plus,
Existe dans mon dos, dans les revers du
temps.
Silencieuse, discrète, comment
l'aurais je vue ?
Dans mon dos l'infini, un océan
pudique,
Liberté somnolant, paresseuse ingénue,
Baignant sa nudité dans un passé
épique.
Dans mon dos la mer, blessée et rouge,
saignait abondamment.
Étouffant dans mon dos d’étranges
hurlements,
Elle noyait des pleurs cachés à
ses enfants.
Faisant souffler le vent sur les
rochers bretons,
S'accrochant à
nos pieds et saisissant nos noms.
Dans ces marées noircies de deuil et
de non dits,
Tant de mots, tant d'appels, pourtant
si peu d'amis.
Pleure la mer perdue, dans ces colères
immenses,
Combien de vies encore avant la
délivrance ?
Dans mon dos la mer, profonde et noire,
noyait ses vieux amants.
Profonde et réfléchie, résignée et
muette,
La mer avait séché les sanglots du
passé.
Observant d'un œil noir la danse des
mouettes,
Qui crevaient en plongeant sa peau
anesthésiée.
Digérant en son sein des flots de
douleur vaine,
Courant après le temps et après le
soleil,
La frustration coulait comme le sang
dans ses veines,
Soleil et temps partis, la mer devenait
vieille.
Dans mon dos la mer, fourbue et grise,
crachait des innocents.
Des reflets argentés courant dans ses
cheveux,
Des rides et des nuits perdues au fond
des yeux,
La mer au crépuscule aiguisait son
trépas,
La beauté pour la mort, irrésistible
appât...
Alors à
l'âge d'or, auréolée de
miel,
La mer vie en ses flots renaître les
marées,
Et son reflux clément posait sur les
jetées
Des marins égarés qui s’étaient
épris d'elle.
Devant moi la mer, heureuse et blanche,
se jouait du présent.
Au matin, fatigué, quand l'aube
blanche croit,
Avalant une lune alourdie de secrets,
Scintillant sous l'espoir d'un matin
vierge et froid,
Respirait l’océan sensuel et
discret.
Le temps comme la mer vit au gré des
marées,
et ses jours et ses nuits, et les
saisons menteuses,
Répètent leurs adieux a nos cœurs
déchires,
Et heures en exil coulent sur nos joues
creuses.
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