mardi 11 septembre 2007

Pura sicome un angelo

"Mais enfin Edouard, vous êtes riche, et vous voudriez encore qu'on vous aime comme si vous étiez pauvre. On ne peut tout de même pas tout leur prendre, aux pauvres!".
Une fois de plus, c'est la voix même de l'amour, c'est à dire la voix de notre chère Garance, qui nous tire nos coeurs prématurément grisonnants de leur torpeur pour nous inviter à ouvrir un peu les yeux sur les friandises du monde, et surtout sur leur valeur.
Une petite phrase insolente, un peu révoltée, saignant la liberté, et qui suinte par chacune de ses syllabes une essence capiteuse au parfum de vérité.
L'amour est enfant de bohème, c'est une chose entendue. Le bonheur ne s'achète pas, c'est d'une platitude trop confondante pour que j'en débate sur ce site. Mais affirmer que l'amour souffre des possessions matérielles, et que la plus dorée des cages volera en éclats devant les larmes aux yeux de deux crève-la-faim, voici un propos qui a du chien, qui a de la gouaille.
Quelle révoltante affirmation pour les golden boys et les héritièrs! Eux qui ont parfois crawlé jusqu'au sommet de l'élite sociale, et qui crawlent aujourd'hui avec Picsou dans leur coffre fort, verraient leure vie sentmentale glamour et pailletée ridiculisée par les amourettes d'un mime et d'une ancienne blanchisseuse, par les lettre timides mais brûlantes de quelques étudiants, ou encore par les regards échangés par les parents de Charly...
Pourtant ils ne peuvent a priori pas y faire grand chose. Le problème est qu'entre être et avoir, il faut parfois choisir. Posséder! Quel étrange verben quel mot effrayant. S'approprier, faire sien... Etendre son empire, soit, soyons ambitieux et conquérants, mais gardons aussi à l'esprit que nous laisons un peu de nous dans chacune des choses que nous psossédons, et que cette expansion si glorifiante est parfois pour notre petit coeur une dilution. Certains sont tout entiers à s'aimer, d'autres sont tout entiers assommés par une insoutenable dispertion. Ils sont phagocytés par ce qu'ils croyaient avoir intégré eux mêmes à leur espace.
Ils sont donc plus libres, les dépossédés, mais sont ils plus heureux? Quand chavire leur coeur chavire aussi tout leur monde ("quand titube la banque d'Angleterre, titube toute l'Angleterre" désolé, je n'ai pas pu m'empêcher de citer ce brave Mr Dawes), et ils sont entrainés dans ce grand huit au gré de leurs sentiments, car ils n'ont pas grand chose d'autre, et comme ils sont plus légers, rien ne les retient dans leurs chuttes vertigineuses et leurs fulgurantes ascencions.
Quelle angoissante inconstance que cette vie de Charybde en Scylla! Je ne prétendrai pas pouvoir vous indiquer si ces gens là sont plus heureux que les autres, et je ne suis pas sûr que quelqu'un le puisse, car je ne crois aps que quelqu'un ait expérimenté ces deux modes d'existence. Pour vous éclairer toutefois sur ma vision des choses, voici une métaphore qui résume assez bien ma pensée. Représentons le bonheur au cours d'une vie sous la forme d'une courbe. selon les personnes, certains graphiques seront réguliers, et d'autres seront plus agités. Pour les premiers, je parlerai d'encéphalogramme plat. Pourles autres, je constaterai un état de "vie".



Paris, fin du 19° siècle, un appartement immense se couvre de poussière. Des meubles somptueux sont protégés de draps blancs. Partout plâne la splendeur fantôme d'une richesse passée. La vie est partie de ces endroits, de ces objets, elle les a fuits et s'est réfugiée dans cette pièce, sur ce lit, au coeur de cette femme si faible. Ses joues creusées ne rayonnent plus les fastes de la vie parisienne, disons juste qu'elles en portent les traces. Sur ce visage presque froid, les inégalités d'une existence trop intense transparaissent. Les larmes ont creusé des vallées au coin des yeux, mais cette vie reprend toute sa vigueur à la lecture de chacun des mots de la lettre qu'elle tient entre ses mains. Violetta n'a que faire de cet appartement sale et dévasté, elle ne l'habite plus depuis longtemps, elle l'a quitté.
L'appartement de la dévoyée, si richement paré autre fois, retentissant des rires du tout Paris, menace de s'éfritter comme un cadavre en décomposition. Il a retrouvé sa condition fantôme, lui qui n'était déja qu'illusion. Illusion car il n'était que le décor d'une farce. Cette fille sans vertu, cette courtisane, n'avait rien d'autre que ces atours pour exister, et se répendait outrageusement en une façade dorée.
La Traviata n'était pas riche et feignait de l'ignorer. Sa vie sociale était son métier, son moyen de vivre et non le résultat de son labeur. Elle aimait toute entière et s'en rendait malade, car elle ne pensait pas trouver un jour la compréhension. Lorsque cette chance s'est présentée, une foi mystérieuse l'a poussée en croire en elle. Elle a cru pouvoir vivre, et elle l'a pu tant que son amour a vécu. Mais son amour était bien malade et a fini par succomber. Violetta n'avait rien d'autre que cet amour. Elle n'existait que par lui, pas dans une image, pas dans un objet.


Opéra tragique que la Traviata, monstrueuse histoire d'amour, cruelle ironie du sort. Et pourtant, je suis certain que Violetta en expirant aurit bien repris les mots de Virginia:"Tout m'a quitté excepté la certitude de ta bonté. Je ne pense pas que deux personnes auraient pu être plus heureux que nous l'avons été".
Venez toujours les mains nues, on ne lit pas les lignes dans les mains gantées.

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